Entretien avec Valérie Pringuez, déléguée syndicale centrale chez Pimkie.
Votre direction est une des premières à avoir tenté de mettre en place une Rupture conventionnelle collective (RCC) issue des ordonnances Macron sur le code du travail. Comment en êtes-vous arrivéEs à opposer un refus syndical majoritaire ?
L’entreprise a annoncé en comité d’entreprise le 19 décembre, avant même que les décrets ne soient tombés, sa volonté de faire un accord de RCC sans même annoncer le nombre de postes qu’elle souhaitait supprimer. On a tous découvert cela, salariéEs compris, en période de fêtes de fin d’année. Le 8 janvier en comité central d’entreprise (CCE), la direction a annoncé le nombre de postes qu’elle souhaitait supprimer : 208 salariéEs jetés sur le carreau. La CGT (près de29 % aux élections professionnelles) a annoncé d’emblée son refus de la RCC, FO (22 %) nous a rejoints immédiatement, et le lendemain, jour de l’ouverture de la négociation de l’accord de RCC, la CFDT (21,5 %) s’est jointe à nous. La CGC (25,5 %), au grand désespoir des salariéEs, a soutenu la position de la direction en demandant la présentation de la RCC. Une présentation qu’elle pensait attractive mais que les salariéEs ont largement rejetée et du coup la CGC s’est ralliée à notre refus.
L’entreprise, non sans difficulté et coups de pression, a été obligée de revoir sa copie et de transformer cette RCC en Plan de départs volontaires (PDV), même si la seule chose que l’on souhaite vraiment, c’est le maintien des emplois. L’idée, derrière, c’est de passer par un PDV pour pouvoir démontrer qu’il n’y a pas de motif économique à ce plan de licenciements.
Votre direction veut donc supprimer 208 emplois. Quelle est la réalité de la situation économique de l’entreprise, pour autant que vous le sachiez puisque la procédure de RCC permet d’échapper aux justifications économiques ?
Pimkie existe dans plusieurs pays outre la France : Allemagne, Espagne, Italie… En fait à l’international (Europe et autres pays) on est avec des résultats en négatif depuis 2015. Pour 2017 c’est 47 millions d’euros de pertes. Mais historiquement, depuis toujours, la France « porte » l’international et c’est surtout l’Allemagne qui s’est écroulée. Avec un résultat d’exploitation positif, on est un peu la vache à lait de Pimkie dans le monde. Sans Pimkie-France pas de Pimkie. C’est en grande partie pour cela que les salariéEs de France sont très en colère. La problématique concernant le chiffre d’affaires et les résultats ce n’est pas la France, ce sont les autres pays.
En 2009, la mise en œuvre d’un PSE avait suscité une mobilisation importante avec 3 semaines de grève. Quel est l’état d’esprit des salariéEs aujourd’hui ?
Le souvenir de 2009-2010 est dans les esprits, mais avec un sentiment de déception des salariéEs car on est resté 3 semaines dehors sans avoir de contact avec la direction qui nous a laissés crever de froid dans la neige à la même époque de fêtes de fin d’année. C’étaient surtout les salariéEs de la logistique qui étaient en grève et les bureaux, bien que concernés également, ne sont pas sortis. Ce passif fait qu’aujourd’hui la logistique est prête à bouger mais seulement si les bureaux bougent. Aujourd’hui on fait des choses, des rassemblements y compris dans les magasins, avec des tee-shirts appelant à la solidarité. Les AG de ces jours-ci nous montrent que du côté des salariéEs tant des bureaux que de la logistique cela commence à monter d’un cran en matière de rapport de forces. Sur le long terme, le travail d’information devrait payer.
La RCC serait donc remplacée par un PDV. Qu’en attendez-vous ?
La justification par les motifs économiques. C’est pour cela que les salariéEs nous suivent et que la CGT n’a pas signé l’accord de méthode négocié le 9 janvier dernier. On pourra démontrer qu’il n’y a pas de motif économique sur le périmètre magasins-logistique en France. Et en tout état de cause il y aura la possibilité de s’appuyer sur le volontariat et un véritable accompagnement des salariés : congés, possibilité de reclassement. Même si en tant qu’organisation syndicale notre objectif premier est de démontrer qu’il n’y a pas de motif économique donc pas de licenciement.
Dans la région Nord-Pas de Calais comme ailleurs, il y a de nombreuses suppressions d’emplois dans la métallurgie, dans le secteur public comme les hôpitaux. Pense-tu qu’il est possible d’établer des liens, des temps de mobilisation commune avec d’autres entreprises ?
Je pense que c’est possible mais à condition que la Confédération, l’UD, celle du Nord est plutôt d’accord et combative, se réunissent et aident à organiser l’interpro. Il doit être possible de se réunir, de voir ce qu’on peut faire ensemble. On a des contacts avec les copains de PSA, on va se rencontrer car on se retrouve dans la même situation, avec la nécessité de faire grandir le rapport de forces, impulser des mobilisations sous la « lumière » des ordonnances. Pour bien rappeler que nous sommes contre ces ordonnances Macron, pour faire y compris avec les autres organisations syndicales car on ne fera rien tout seuls. Déjà, une interpro Pimkie-PSA peut permettre de relancer la dynamique d’un vraie mobilisation.
Propos recueillis par Robert Pelletier