Publié le Mercredi 15 mars 2023 à 11h49.

Entretien : « Ce n’est pas une manière de maintenir l’ordre »

Mercredi 8 mars sur le Viaduc de Millau une action « péage gratuit » était organisée par le Collectif aveyronnais pour la grève reconductible avec 70 personnes. Les gendarmes sont intervenus violemment. Christian Roqueirol, militant de la Confédération paysanne, explique ce qu’il s’est passé.

Quel était votre objectif avec l’action « péage gratuit » du 8 mars ? 

L’objectif était de participer à une mobilisation plus large qu’une manif banderoles. Le péage gratuit nous permet de constituer une caisse de grève en faisant la quête. Les gens aiment bien, ils économisent 10 euros et souvent ils donnent ce qu’ils auraient payé au péage. Sans obligation, bien sûr. Cette action montrait qu’il y a d’autres mouvements mobilisés comme la Confédération paysanne qui n’est pas un syndicat de salariéEs, et qui, de ce fait, n’est pas acceptée dans les cadres intersyndicaux. Cela ne nous empêche pas de soutenir l’action des syndicats et de venir avec nos tracteurs, mais on avait envie aussi de participer à une action plus large. Un péage gratuit sur le Viaduc de Millau, c’est médiatique : l’occasion de faire une caisse de résonance pour le mouvement contre la réforme des retraites de Macron et son gouvernement. 

Aviez-vous imaginé une telle répression de la part des gendarmes ? 

On a déjà fait des manifestations. D’habitude, les gendarmes ne sont pas violents et encadrent les manifestations de façon qu’il n’y ait pas d’incident. Ils peuvent prendre quelques identités ou numéros de bagnoles, mais là ils ont d’emblée essayé de nous faire sortir du péage sans en avoir forcément les moyens. Ils ont été vite débordés parce que les militantEs mobilisés ont résisté. Les gendarmes devaient avoir des ordres de la préfecture qui a dû décider de nous foutre la trouille pour que ce type d’action ne se reproduise pas. Il y a cinq blesséEs. Trois paysans de la Conf, dont deux ont fait une partie de la journée en garde à vue ; moi, je suis allé aux urgences pour un choc violent à l’arrière de la tête. Poussé violemment pas un gendarme, j’ai fait une chute. On m’a prescrit 11 jours d’ITT. Une militante s’est cassé le poignet dans la bousculade et une autre s’est blessée au coccyx et a eu 7 jours d’ITT. Dans ce genre d’action illégale, on est prêt à prendre des amendes, mais cette violence dans un contexte où ce n’était absolument pas utile, ce n’est pas acceptable. La préfecture n’a pas dû aimé que ce ne soit pas concerté. On ne bloquait pas la circulation. On a peut-être fait perdre un peu d’argent à Eiffage, mais on ne présentait pas de trouble à l’ordre public.

Quelles suites le Collectif compte-t-il donner à cette répression ? 

Le Collectif a déjà eu une réunion téléphonique pour organiser un dépôt de plainte des cinq blesséEs. On va prendre les conseils d’un avocat. On va aller en justice, car il n’est pas tolérable que ce genre de choses se reproduisent. Les images le montrent : les forces de l’ordre sont agressives contre des gens qui ne le sont pas. On ne veut pas que ce soient les lampistes qui trinquent. Le nouveau préfet est ancien militaire. On pense que la préfecture est directement impliquée et a donné des ordres. Les gendarmes sont venus en habits de tous les jours et ils ont dû être débordés à cause d’ordres venus d’en haut. Ce n’est pas une manière de maintenir l’ordre. En attendant, on prépare la manifestation du 15 mars et les prochaines actions contre la réforme. On est déterminéEs, cela ne nous a pas calmés.

Propos recueillis par Fabienne Dolet