Vendredi 22 mars les Goodyear étaient plus de 300 à avoir fait le voyage jusqu’à Rueil-Malmaison cette fois-ci avec des roses, pour montrer que la violence, c’est celle des flics chargés de défendre le siège social de la multinationale et celle du patronat qui fait subir à des milliers de familles l’inquiétude et l’angoisse du chômage. Le lendemain, leur rendez-vous était à Amiens pour découvrir le projet de SCOP, présenté par les dirigeants de la CGT et leur avocat Fiodor Rilov.Ce n’est pas la première fois que des travailleurs en bagarre contre une fermeture évoquent la mise en place d’une coopérative (SCOP) comme issue possible à leur combat. Il suffit de penser à SeaFrance ou, plus récemment, à Fralib. Cela répond à la volonté des salariés de ne pas plier devant une fermeture souvent présentée comme une fatalité et de refuser la négociation d’indemnités de départ. En ce sens, c’est un pas en avant.Des SCOP dans la contradictionNéanmoins, le projet des SCOP recèle un certain nombre de contradictions. Ce mouvement a souvent tendance à s’effacer du terrain de la lutte des classes, car inséré dans un cadre de production et de concurrence, il faut faire tourner l’usine, etc. En fonctionnant dans le cadre capitaliste, une SCOP doit faire face aux mêmes difficultés que n’importe quelle PME. Pour investir dans l’outil productif, affronter la concurrence, elle doit avoir recours aux banques, créances et prêts à la clé. Pour ce qui est de Goodyear, le projet de SCOP présenté par la direction de la CGT d’Amiens-Nord ne concerne que l’activité Farm (pneus agricoles). La production de pneus tourisme, elle, n’est pas jugée assez rentable dans les conditions actuelles pour être maintenue. Il en découle une remise en cause d’un des principaux acquis des six ans de combat à Goodyear, à savoir la lutte pour le maintien de tous les emplois. C’est donc plusieurs centaines de salariéEs, sur les 1 173 que compte la boîte actuellement, qui pourraient ainsi ne pas retrouver une place dans la SCOP et devraient quitter l’usine sur la base de départs volontaires.Expropriation, contrôle ouvrierC’est pour toutes ces raisons que, tout en soutenant la lutte des travailleurs d’Amiens, il faut avancer la perspective de l’expropriation, sans indemnité ni rachat, et de la production sous gestion ouvrière. Si les travailleurs sont parfaitement capables d’assurer la production, c’est à l’État de payer les salaires, d’assurer l’approvisionnement et d’assurer la commercialisation des produits. Il s’agit de la seule solution qui, à l’échelle d’une entreprise, d’une branche ou même de tout le pays, pourrait permettre le maintien de tous les emplois. Bien entendu, cela implique la nécessité d’une véritable contre-offensive du monde du travail, d’une grande mobilisation ouvrière et populaire pour inverser le rapport de forces.Reste la question de la convergence. Aux côtés de la grève de PSA Aulnay, la lutte des travailleurs de Goodyear pourrait devenir le fer de lance de ce combat d’ensemble, à condition de se poser le problème d’une stratégie capable d’unifier tous ceux et celles qui subissent les licenciements, l’austérité et les conséquences de la crise capitaliste.Daniela Cobet
Crédit Photo
Photothèque Rouge/JMB