Quelques semaines après une phase de médiatisation importante de l’impact désastreux des réorganisations dans la plus grande entreprise de France (trois reportages sur Canal +, TF1 et France 2) et à la suite de la victoire de grèves emblématiques comme celle de Marseille 2 (139 jours de grève !), l’ensemble des fédérations syndicales de La Poste ont appelé à la grève mardi 29 mars. La guerre des chiffres. La direction de La Poste tente évidemment de minimiser la mobilisation : elle a annoncé un chiffre de grève national de 13 %. De leurs côtés, les syndicats ont annoncé entre 25 et 35 %. Alors, est-ce que les uns sous-estiment tandis que les autres gonflent les chiffres pour les besoins de la cause ? À y regarder de plus près, La Poste annonce son chiffre le matin alors que tous les postiers n’ont pas encore pris leur service, elle compte dans les effectifs les postiers en maladie, en RTT, en vacances... en bref, elle gonfle le chiffre des effectifs pour abaisser le taux de grève. Les chiffres des organisations syndicales sont beaucoup plus proches de la réalité. Comparés aux taux de grève lors des journées nationales des années précédentes, comme par exemple au moment des retraites, les chiffres du 29 mars sont relativement bons, sans pour autant indiquer de raz-de-marée. Une colère bien présente... La colère existe chez une majorité de postiers, il suffit de discuter avec son facteur ou le guichetier du coin pour s’en rendre compte. Mais elle ne s’exprime pas spontanément sous forme de conflit collectif. Les luttes sont nombreuses mais elles se mènent bureau par bureau et service par service. Pourquoi ? La première raison, c’est que la direction de la Poste ne réorganise pas tous les bureaux et tous les services en même temps et, étant donné le rapport de forces, les postiers sont sur la défensive et ne parviennent la plupart du temps quand ils décident de lutter, qu’à limiter la casse. ...qui doit être organisée pour déboucher sur une riposte. Mais ce qui explique la dispersion de la réponse des postiers, c’est aussi l’absence de stratégie de combat des directions syndicales, même les plus combatives. Celles-ci soutiennent évidemment les batailles locales, ce qui est loin de suffire pour enrayer l’offensive. Attendre que la direction attaque ne permet que de répondre au coup par coup là où les postiers sont les plus déterminés ou les plus excédés. Il faut passer d’une position attentiste à une posture de préparation de la contre-offensive : avant même que les réorganisations ne frappent tel ou tel bureau, la clé, c’est de regrouper les postiers indépendamment de leur site ou de leur service, que s’organiser au-delà des frontières imposées par la boîte devienne une habitude. Un autre élément de réponse est de faire en sorte, quand une grève se déclenche, de chercher d’emblée à l’étendre dans les autres bureaux. Tisser des liens militants en temps calme comme au moment de la tempête : c’est ainsi qu’il sera possible au moment opportun de déclencher des luttes qui ne seront pas isolées. Il faut également soulever la question des salaires, très peu relayée par les syndicats. En se battant pour des augmentations de 300 euros, les postiers trouveraient d’emblée un langage commun non seulement entre eux mais avec le reste du monde du travail. Espérons qu’une prochaine date nationale de grève sera bientôt à l’ordre du jour : à nous de nous en saisir pour préparer une grève reconductible sur l’emploi ET les salaires.
Pedro Guessou