La vague de suicides entre les 4 et 17 janvier au CHRU de Lille (dont trois en neurochirurgie), relance le débat sur le suicide d’origine professionnelle. Débat déjà avivé récemment dans le Nord-Pas-de-Calais avec le suicide d’un éducateur de Dunkerque, retrouvé pendu sous un pont, le 17 novembre 2011. Suicide à la suite duquel les salariés ont décidé d’un droit de retrait durant dix-huit jours : le plus long et le plus massif jamais constaté depuis l’existence de la loi.
Le 18 janvier, c’est le suicide d’un inspecteur du travail de 32 ans, militant SUD à Lille qui a été à peine relayé par la presse. Ce contexte local montre bien toute l’importance de la question dans la problématique de santé. Le dernier chiffre recensé de 10 464 suicides dénombrés en France en 2009 (Source : Inserm-CépiDC-2011), ne permet pas de déterminer la part de ceux d’origine professionnelle parmi la population globale.
La direction du CHRU de Lille nie tout lien entre les quatre suicides et le travail dans l’établissement. Pourtant depuis 1897, Durkheim à mis en évidence dans le Suicide qu’au-delà de l’intime et du psychologique, il existe des causes sociales et des déterminants sociaux dans cette pathologie de l’isolement au dénouement fatal.
Le risque beaucoup plus important dans les professions sanitaires et sociales à récemment été mis en évidence dans l’étude « Suicide et activité professionnelle en France : premières exploitations de données disponibles » de l’Institut de veille sanitaire. Enfin, le Nord-Pas-de-Calais dépasse de plus de 40 % le taux moyen de suicides de la France métropolitaine : parmi les pires chiffres en Europe.
Et bien que ces chiffres soient sous-estimés de 10 %, toutes ces études ne traduisent sans doute pas l’acuité actuelle du phénomène. De nombreux spécialistes internationaux dont Alan Berman indiquent en effet que « si la récession dure aussi longtemps que les experts le prédisent […] nous pourrions assister à quelque chose de semblable à la Grande Dépression […] qui a vu les suicides augmenter de plus de 50 % ».
Il est étonnant de voir une direction hospitalière nier tout lien entre la profonde crise que connaît l’hôpital public, sa restructuration permanente depuis des années et les conséquences sur la santé des salariéEs.
Dans tout le secteur sanitaire et social, il est urgent d’imposer des études et une transparence totale sur les suicides. La priorité absolue est de s’attaquer aux causes en imposant un gel de toutes les restructurations pour faire échec à l’augmentation de la productivité, précarité, flexibilité et autoritarisme des directions. La meilleure réponse à l’isolement individuel, c’est l’action collective !
Vladimir Nieddu, membre de la commission exécutive fédérale SUD santé sociaux