Poste mortem, de Jean-Jacques Reboux, relate les déboires d’une employée de La Poste. Sorti en 2000, ce roman est toujours d’actualité.La poste : ses voitures jaunes, ses facteurs à vélo, ses guichets, ses files d’attente, ses grèves et Olivier Besancenot, bien sûr. Elle fait partie de notre quotidien, la poste. Mais pour Simone Dubois, quinquagénaire dynamique, La Poste, c’est la Peste ! Et elle n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de dézinguer la boîte, ses chefs comme ses collègues et de raconter les entourloupes et petites combines qui font tout le charme du quotidien. Elle n’y va pas par quatre chemins, la Simone : « J’ai eu des cours de formation avec des monitrices pète-sec. Elles disaient qu’on rentrait dans une grande famille, qu’il y avait des tas d’activités à la Peste, qu’il fallait se serrer les coudes et tout ça. T’as vu la gueule de la grande famille, à présent, plus de concours, les cédédés, les contractuels, et les têtes d’œuf des OM qui te font chier avec leurs produits financiers ! » Quand elle cause syndicat, c’est dans la même veine : « Renée elle arrêtait pas de s’engueuler avec les traîtres de la CFDT qu’ont voté la réforme pour faite plaisir aux socialos, alors ceux-là elle peut pas les encadrer, c’est comme la dinde Notat ! […] Remarque, la mère Notat, elle a pas intérêt à mettre les pieds aux Chèques, vu que la CFDT elle s’est fait bouffer tout cru par SUD, ils sont tous à moitié trotskystes à SUD, alors elle crâne pas, la mère Notat, c’est pas comme quand elle serre la louche à Juppé ! » Par petites touches et à coups de marteau, Simone nous dévoile le quotidien des salariéEs, en particulier aux Chèques postaux : les jeux, les engueulades, les amitiés, les chefaillons… Simone a l’air d’avoir un bon coup sur la cafetière, entre chroniqueuse du quotidien et mythomane sévèrement agitée du bocal. Mais c’est ce qui fait du roman une réussite, un mélange du Couperet de Westlake et des Tontons flingueurs aux PTT ! Et ce qui donne un tour plutôt cocasse à l’ensemble, c’est que Simone, tout au long du roman, tient en respect son ministre de tutelle, ligoté sur une chaise et enfumé comme un renard à coup de pétards. On vous dévoile le truc : c’est DSK, sans déconner ! Ficelé comme une volaille, à la merci de Simone, croqueuse d’hommes qui lui raconte toutes ses aventures et menace de la corriger. Tout ceci, avec l’actualité que l’on connaît, à La Poste comme pour DSK, donne à cette lecture un aspect jubilatoire qui se finit en apothéose sur une action du Glapo, le « Groupe de libération anarchiste de La Poste », qui réclame pêle-mêle le rétablissement du ministère des PTT, la fin des CDD et la légalisation du cannabis, avec l’appui de DSK ! Chronique de la Peste, polar déjanté et charge contre les années Jospin contaminées par la peste sociale-libérale, ce roman n’a pas pris une ride : ça défouraille à tout va et ça fait du bien !
Henri ClémentPoste mortem, Jean-Jacques Reboux, Folio Policier, Gallimard, 2000, 8,60 euros