Publié le Jeudi 7 mars 2013 à 11h34.

Loi d’amnistie : loin du minimum de gauche…

Mercredi 27 février, le Sénat a adopté par 176 voix contre 174 un projet de loi d’amnistie au périmètre fortement réduit. Ce projet avait été initialement repoussé par le gouvernement. La dernière loi de ce type remontait au gouvernement Jospin.La possibilité d’adopter une loi d’amnistie comme gage d’oubli, d’apaisement, était inscrite dans la constitution de la IIIe République. La Ve République avait repris cette idée et des lois d’amnistie furent adoptées en diverses occasions (guerre d’Algérie, affrontements en Nouvelle-Calédonie) et dans la foulée de chaque élection présidentielle. Au total, 25 lois d’amnistie ont été votées sous la Ve République. Au fil du temps, cet usage a été de plus en plus critiqué comme un héritage de la tradition monarchique. Chaque loi d’amnistie déterminant son champ et ses conditions d’application, les pressions sont devenues de plus en plus fortes pour en restreindre la portée. Ainsi, 50 % des infractions pénales avaient disparu de la loi de 1988, 30 % en 1995 et 16 % en 2002. La lutte contre « l’insécurité routière » servit de prétexte à Sarkozy en 2007 pour renoncer à cette pratique et Hollande a pris le même engagement en 2012.La proposition de loi issue du Front de gauche concernait tous les syndicalistes et manifestantEs condamnéEs durant ces dix dernières années, mais les sénateurs PS et PRG l’ont réduite à grands coups d’amendements. Elle exclut notamment les militantEs de luttes autres que celles du syndicalisme et du logement : donc rien pour les militantEs de l’environnement et des droits des migrants – RESF, faucheurs d’OGM, désobéissants, antipubs, antinucléaires, opposantEs à Notre-Dame-des-Landes, aux lignes THT, ou au fichage des élèves…Dialogue social et violence de classeLes arguments pour refuser tout projet d’amnistie ou le minorer sont lourds de signification. Bien sûr, le Medef et la droite, dans leur rôle, hurlent au scandale et pour Parisot, il s’agit même d’un « appel à encourager la destruction et le cassage ». Si Valls se déclare « sceptique » sur la nécessité de l’amnistie, Sapin va au fond de la question : il n’est d’abord pas question d’amnistier les violences contre les représentants de l’État. Sapin qui se félicitait, au terme de la négociation de l'ANI, de la méthode qui, à ses yeux, montre que l'on peut « réformer profondément dans l'intérêt des entreprises et des salariés sans être dans la guerre civile ». La violence patronale contre des dizaines de milliers de gens, jetés au chômage et privés de leur seul moyen de vivre, la violence meurtrière des policiers dans les quartiers, contre un manifestant d’Arcelor à Strasbourg ou contre celles et ceux de Notre-Dame-des-Landes, n’ont pas besoin d’être amnistiées puisqu’elle sont impunies. Et que dire de la violence de ce gouvernement qui poursuit les salariéEs de PSA, les postiers ou ceux d’Edf ? « Dialogue social » pour préserver les intérêts des patrons, répression contre ceux qui défendent emplois, salaires et conditions de vie. Même concernant ce qu’on pourrait considérer comme le « minimum syndical » d’un gouvernement de gauche, rien ne sera obtenu sans mobilisation.Robert Pelletier