Lors de son université d’été, le Medef a rappelé ses exigences antisociales : nous faire trimer plus pour que les patrons s’enrichissent plus.Tenue sur le campus d’HEC, l’université d’été du Medef est, traditionnellement, l’occasion pour les patrons de répéter leurs complaintes récurrentes sur l’effort individuel (pas assez récompensé), les charges sociales (trop élevées), les politiques (pas assez audacieux dans leurs attaques anti-sociales), les Chinois (qui travaillent plus), la reprise (qui pointe le nez mais est menacée par les déficits publics), etc. Rien de bien nouveau dans cette accumulation de poncifs affligeants : c’est sans doute pourquoi les organisateurs des festivités accordent le plus grand soin à trouver des intitulés « originaux » aux forums et tables rondes patronaux. Originaux… et un peu prétentieux, on ne se refait pas ! Ainsi, le titre global : « l’étrangeté du monde, mode d’emploi ». Et quelques autres, de la même veine : « tectonique de la crise : les nouveaux centres de gravité économiques » ; « monde à l’endroit, monde à l’envers, l’actualité de la chienlit », « quand l’écran brouille les images », « les best practice de la nature », « insolites réussites », etc. On sent le travail des publicitaires et autres communicants… Il y a eu aussi une table ronde intitulée modestement : « de l’esprit d’entreprise pour soulever l’univers ». Avec une guest-star particulièrement attendue : Éric Woerth ! En effet, l’université d’été patronale est sans doute le seul endroit en France où il peut espérer bénéficier d’un accueil chaleureux… Dans son intervention, Laurence Parisot a d’ailleurs tenu à rappeler le soutien des patrons à l’attaque contre les retraites menée par le gouvernement, exhortant ce dernier à tenir bon, à ne rien céder. Et, dans la foulée, à s’attaquer tout de suite à l’assurance maladie ! Nous voilà donc prévenus… Faire pleurer sur le sort des entreprises – et, surtout de leurs actionnaires et de leurs patrons ! – pour exiger toujours plus – en matière fiscale, sociale, de subventions, de garanties – de la part des pouvoirs publics : la stratégie du Medef est, de fait, assez facile à décrypter tant elle est dépourvue de finesse ! Ainsi, il y a quelques jours, les Échos titraient : « CAC 40 : une décennie perdue pour les actionnaires ». Sans rire ! On voit bien la manœuvre : après de telles pertes de temps – une décennie ! – il faut vraiment mettre les bouchées doubles et s’attaquer plus résolument encore aux acquis sociaux… Pourtant, c’est un tout autre constat qu’a dressé le cabinet d’experts comptables PWC, pour le journal le Monde : « Les profits des groupes du CAC 40 ont bondi de 85 % » ! Soit quelque 41,5 milliards d’euros de résultats nets, simplement pour les six premiers mois de l’année 2010. Quand même… Pour le dire autrement, les principaux groupes capitalistes français sont en passe de retrouver leurs résultats d’avant la « crise ». Il faut également noter un élément particulièrement spectaculaire : la croissance des profits est nettement supérieure à celle des chiffres d’affaires, témoignant d’une exceptionnelle rapacité patronale ! Et – surprise, surprise ! – en tête du classement, on trouve les « sociétés financières » parmi les plus gros gagnants. Notamment, BNP Paribas et le Crédit Lyonnais… Autrement dit, après avoir été les principales bénéficiaires des fonds publics versés sans compter au secteur privé au nom du sauvetage du système bancaire, les grandes banques françaises sont aujourd’hui à même de distribuer des dividendes importants à leurs actionnaires, ainsi que des primes et des stock-options à leurs dirigeants et traders ! François Coustal
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