Au moment où nous écrions ces lignes, François Bayrou tente une manœuvre désespérée. Il s’agit pour lui de réanimer le cadavre du « conclave » sur les retraites en recevant à Matignon les « partenaires sociaux » restés à la table de négociation.
La prolongation des négociations et la capitulation des directions CFDT, CFTC, CFE-CGC sur le recul de l’âge légal à 64 ans n’auront au bout du compte servi à rien. Bayrou est confronté à l’échec du « dialogue social » qu’il avait mis en place en échange de la « non-censure » du PS pour assurer sa survie et celle de son gouvernement et faire accepter ses budgets d’austérité.
La preuve est une nouvelle fois faite que le « dialogue social », dans une négociation à froid, sans aucun rapport de forces, ne fait toujours que deux gagnants : le patronat et les gouvernements à son service.
Aucune concession de la part du patronat
Les employeurs ont jugé utile de ne faire aucune concession, même sur quelques aménagements mineurs en contrepartie de l’abandon des 64 ans. Pour le Medef et ses alliés, le « retour à l’équilibre » des régimes de retraite, doit entièrement reposer sur les « efforts » des salariéEs et des retraitéEs. Hors de question pour eux de toucher aux profits pour y contribuer.
De manière provocatrice, les organisations patronales ont même affirmé pendant la négociation leur volonté d’aller encore plus loin, en reculant davantage l’âge légal de départ et en remplaçant une partie de leurs cotisations par la TVA, impôt le plus injuste.
Ne pas renouveler les erreurs de l’an passé
Bayrou va donc devoir assumer devant l’Assemblée nationale l’échec de sa « méthode » et l’application « en l’état » de la contre-réforme des retraites, voire son aggravation. Il espère, grâce à la bienveillance du RN — qui n’estime pas le moment venu de faire tomber le gouvernement — éviter la censure immédiate. Il pourra ainsi continuer à préparer les échéances décisives : le vote à l’automne de son nouveau plan d’austérité de 40 milliards, réparti entre le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale.
Le retour devant le Parlement du débat sur les retraites, et plus largement sur la protection sociale et son financement, ne doit pas amener le mouvement ouvrier à renouveler les erreurs de l’année dernière. Il doit au contraire en tirer les leçons.
Ce n’est pas principalement dans l’arène parlementaire que peut avoir lieu l’abrogation de la réforme des retraites, la défense de la protection sociale et des droits sociaux.
Ce n’est pas sur ce terrain que se jouera la mise en échec de la nouvelle vague d’austérité qui se prépare.
Que celles et ceux d’en bas prennent leurs affaires en main
« Dialogue social » et joutes parlementaires ne font que renforcer dans notre camp social l’attentisme, la démoralisation et le sentiment d’impuissance. Le temps, s’il n’est pas celui de la remobilisation, jouera contre nous, laissant la voie ouverte à la poursuite des contre-réformes, à l’autoritarisme du macronisme et de ses alliés, et à la montée en puissance de l’extrême droite.
La reprise en main de leurs propres affaires par « celles et ceux d’en bas » se heurte à de nombreux obstacles qui doivent être dépassés. Affaiblissement et division du mouvement syndical, acceptation de l’austérité par une partie de ses directions, vision institutionnelle du combat politique par la plus grande partie de la gauche, même radicale, engagée dès maintenant dans la course aux prochaines échéances électorales.
La seule voie qui ne mène pas à l’échec
Se battre pour reconstruire dès aujourd’hui une perspective unitaire de lutte, s’opposer au plan Bayrou et aux violentes attaques qui se préparent pour la rentrée est la voie dans laquelle il faut s’engager sans attendre dans les syndicats, les associations, les collectifs unitaires du NFP, en s’appuyant sur les outils disponibles comme l’appel du « Tour de France de la santé », pour une mobilisation unitaire sur la protection sociale.
J. C. Delavigne