Publié le Dimanche 1 octobre 2023 à 21h00.

Offensives et contre-offensives

Cette rentrée est placée sous le signe d’une poussée de la classe dominante sur différents terrains. Et le monde du travail est pour l’instant en grande difficulté pour répondre.

 

Il faut comprendre les attaques actuelles comme s’inscrivant dans un mouvement de balancier de la lutte des classes : après la bataille historique sur les retraites, après la réaction des jeunes des classes populaires face au meurtre de Nahel, il fallait absolument, pour le pouvoir, contre-attaquer. Dans un autre domaine, les coups d’État en Afrique constituent aussi des affronts pour la bourgeoisie française, qui voit son terrain de surexploitation des ressources naturelles et des populations remis en cause.

 

Un déluge pour nous faire reculer

La contre-attaque est donc globale, sur divers terrains sur lesquels Macron et ses sbires essaient de reprendre la main. Sur le plan de la temporalité, la première offensive a été la répression dans le mouvement sur les retraites à la suite du 49.3, couplée à celle menée à Sainte-Soline puis dans la Vallée de la Maurienne, puis la tentative, échouée, de dissolution des Soulèvements de la Terre. Les violences policières et racistes, dont Nahel est une des nombreuses victimes, puis l’emprisonnement de plus de 2 000 jeunes après la révolte des quartiers populaires, ont constitué l’étape suivante. À la rentrée la contre-attaque raciste s’est poursuivie avec l’abaya, dans le double objectif d’attaquer frontalement les musulmanes et la jeunesse pour les tétaniser, et de diviser les classes populaires et leurs organisations. Concrètement, cela a joué un rôle important pour rendre plus difficile la mobilisation du 23 septembre, et pour empêcher les profs de contester les conditions de la rentrée.

La répression contre des syndicalistes, la loi Kasbarian-Bergé facilitant les expulsions locatives, le projet de travail gratuit pour les bénéficiaires du RSA, l’absence de mesures sur les salaires constituent le paquet antisocial du gouvernement à cette rentrée.

 

À notre tour !

Les réactions du mouvement ouvrier sont limitées, mais on aurait tort d’y voir un signe de stabilisation de la situation. En effet, le pouvoir reste très fragile, comme les élections sénatoriales l’ont montré une fois de plus. Il a une base sociale toujours très limitée. Ce sont d’ailleurs la droite et l’extrême droite qui sont susceptibles de profiter, dans l’immédiat, de l’échec de la réforme des retraites. Avec un danger fasciste qui se renforce encore un peu plus.

Mais, à plus long terme, il est probable que le balancier continue à bouger, que les attaques avancées par Macron et la bourgeoisie provoquent de nouvelles révoltes. Autour des salaires et du pouvoir d’achat se joue une question clé dans les prochains mois car, selon Que choisir ?1, l’inflation atteint + 12,8 % dans les grandes surfaces, 15 % sur l’alimentaire, 27 % sur l’électricité, 29 % sur l’essence, des chiffres qui sont énormes. Nous verrons si les salariéEs se saisissent de la mobilisation du 13 octobre, si peu préparée pour l’instant par les directions syndicales, pour exprimer cette colère, ou s’il faut attendre. Il y aura d’autres mobilisations, nombreuses, dans les prochaines semaines : pour l’IVG, contre les violences faites aux femmes, contre l’A69.

 

Affronter la bourgeoisie sur le terrain politique

Mais fondamentalement, le mouvement de balancier est la concrétisation d’offensives et contre-offensives des classes fondamentales que sont la bourgeoisie et le prolétariat. Si la première a conscience d’elle-même, s’exprime, dispose de moyens considérables, la seconde est en difficulté et tente péniblement de se reconstruire. Et c’est sur le terrain politique qu’elle le fera, comme les divers mouvements de ces dernières années, notamment depuis les Gilets jaunes, ont contribué à construire, contre Macron et son monde, une identité de classe. Lénine écrit : « La conscience politique de classe ne peut être apportée à l’ouvrier que de l’extérieur, c'est-à-dire de l’extérieur de la lutte économique, de l’extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons. Le seul domaine où l’on puisse puiser cette connaissance est celui des rapports de toutes les classes et catégories de la population avec l’État et le gouvernement, le domaine des rapports de toutes les classes entre elles. »2 Le rôle des révolutionnaires, notamment par une politique de front unique résolue, est de contribuer à ce que ces décantations continuent et se renforcent, à ce que, contre Macron et le gouvernement, le prolétariat prenne conscience de sa force, et mène un combat politique, c’est-à-dire pour le pouvoir. C’est l’axe, pédagogiquement, en tenant compte des rythmes de la conscience et des expériences pratiques, que nous devons avoir en tête en cette rentrée.

  • 1. « L’inflation tirée par une nouvelle hausse de l’énergie », quechoisir.org, 22 septembre 2023, https://www.quechoisir.o…
  • 2. Que faire ?, 1902.