En ne regroupant à Paris et en régions que quelques dizaines de milliers de participantEs, la journée de mobilisation du 19 octobre initiée par la CGT et soutenue par Solidaires et des structures CFE-CGC, FO ou CFDT, a marqué un net recul par rapport aux journées précédentes.
Dans la perspective de la construction d’une mobilisation capable de mettre un coup d’arrêt au rouleau compresseur macronien, nous devons esquisser un bilan d’étape.
Des enjeux (encore) à faire saisir
Tout comme lors de la mobilisation contre la loi El Khomri, la première difficulté vient du contenu des textes. Pour l’essentiel, la loi travail XXL, comme la loi travail de « gauche », s’attaque aux droits des représentations du personnel, aux outils de défense des salariéEs. Ce n’est que par contrecoup que celles/ceux-ci sont touchéEs et en partie dans des démarches plus individuelles que collectives (licenciement, prud’hommes). Dans le même temps, ce droit du travail que nous défendons comme plus protecteur, n’est pas nécessairement perçu comme tel au regard des batailles le plus souvent perdues contre les fermetures de sites et plan de licenciements. La liste est longue, de Daewoo et Renault Vilvoorde à Goodyear en passant par New Fabris, Continental et PSA. De la même façon les attaques contre la santé et les conditions de travail se heurtent au déni, à l’inflexibilité et à l’arrogance patronale.
Sur fond de chômage massif, ce que l’on nomme un peu abstraitement déstructuration du prolétariat a des effets sociaux dramatiques aux conséquences durables sur les espoirs dans les mobilisations.
En finir avec la mascarade du « dialogue social »
Mais l’attitude des directions syndicales a aussi largement contribué à semer le désarroi parmi les équipes militantes les plus déterminées et au-delà parmi la grande masse des travailleurEs. Du côté de FO et de la CFDT, malgré les manifestations de mécontentement en interne, Mailly et Berger acceptent complètement les dispositions rétrogrades en estimant que, grâce à leur pugnacité dans les batailles de couloirs de l’été, ils ont limité les dégâts, voire obtenu quelques avancées dans le renforcement du « dialogue social ». Du côté de la CGT, la multiplication des journées de manifestations espacées sans plan de construction de la mobilisation donne l’impression d’une volonté d’affichage d’une ligne radicale à la fois en interne et vis-à-vis de l’extérieur pour conserver dans le public et reconquérir dans le privé la place de première organisation syndicale.
Mais surtout, toutes les confédérations, y compris la CGT, acceptent une nouvelle fois la logique du dialogue social en participant à de nouvelles rencontres avec Macron et en s’inscrivant dans le nouveau parcours de discussion sur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance chômage. Et la perspective de la réunion unitaire du 24 octobre n’avait pas spécialement de quoi inquiéter le pouvoir.
Donnons-nous les moyens…
Certes, le gouvernement affiche une sérénité peut-être un peu forcée en claironnant que la réforme du Code du travail, « c’est fait » avec la publication des ordonnances et leur prochaine ratification par le Parlement. Dans de nombreux secteurs, des résistances se manifestent. Les manifestations du 10 octobre dans la fonction publique en sont une illustration. Dans la santé, chez General Electric, GM&S, dans la restauration et dans bien d’autres entreprises, les salariéEs résistent. Les succès certes partiels des chauffeurs routiers, les salariéEs des ports et docks, demain des raffineurs montrent que la mise en évidence des conséquences concrètes des ordonnances donne du contenu aux revendications, permet une mobilisation plus large que les seulEs militantEs.
Cela montre les conditions à remplir pour que la mobilisation puisse payer. À condition d’arrêter avec le « chacun sa journée », « chacun sa branche ». Comme, manifestement, le « touTEs ensemble » paraît compliqué au niveau national, faisons que dans les villes, dans les régions, dans les branches où unité rime avec volonté de lutter, des initiatives soient discutées, prises pour construire une mobilisation capable de mettre un coup d’arrêt à la politique de régression sociale de ce gouvernement.
Robert Pelletier