Publié le Jeudi 14 mars 2024 à 11h00.

Quatre millions de salariéEs sans inspecteur du travail

La Cour des Comptes vient de publier un rapport intitulé « La gestion des ressources humaines du ministère du Travail »1. Elle relève que les effectifs ont diminué de 15 % entre 2015 et 2021. La chute serait encore plus brutale si l’année 2022 avait été prise en compte dans le rapport.

Le rapport constate que « le principal contributeur aux économies d’emplois a été l’inspection du travail (contrôle et renseignement inclus)… ». Dans le même temps, les effectifs de l’administration centrale ont augmenté de 6 %. « Cette hausse est en partie liée à celle des cabinets ministériels (136 équivalents temps plein travaillés en 2015, 193 en 2021 », mais également aux postes de direction en administration centrale, qui ont connu une croissance de 44 % sur la même période. Pendant que les agentEs d’exécution disparaissent, l’encadrement supérieur se multiplie ! La Cour des Comptes en vient-elle à préconiser l’arrêt de cette gabegie bureaucratique, la fin des suppressions d’emplois et le rétablissement des postes disparus ? En bonne gardienne de la doxa néolibérale, elle déclare plutôt que les travaux d’analyse de l’allocation entre les moyens et les missions « ne sont cependant pas suffisants pour conclure à un éventuel sous-effectif au regard des besoins… » !

Conditions de travail insupportables pour les agentEs

Ce rapport, ainsi que la publication concomitante par la CGT–TEFP d’une cartographie des sections d’inspection du travail vacantes2, aura eu au moins le mérite d’attirer l’attention sur la situation de ce service public, toujours aussi critique. Près de 400 postes d’agentE de contrôle n’ont pas de titulaire, ce qui représente environ 4 millions de salariéEs sans inspectrice ou inspecteur du travail. La part de postes vacants dépasse les 30 % dans une vingtaine de départements, et atteint parfois les 50 %. Dans ces situations, le ministère enjoint aux agentEs restantEs d’assurer « l’intérim » : tenir deux postes à la fois, pour des périodes allant de quelques mois à plusieurs années ! Résultat : des salariéEs qui ne voient pas venir les interventions demandées, et des conditions de travail insupportables pour les agentEs. 

Le ministère du Travail vante des recrutements importants au cours des dernières années. La hausse du nombre de postes ouverts aux concours est réelle, mais vient compenser des départs en retraite tout aussi importants. Et l’embellie semble terminée : 100 recrutements prévus en 2024 viennent d’être purement et simplement annulés, du fait des 10 milliards de coupes budgétaires décrétées par le gouvernement. Surtout, les suppressions de section d’inspection ne cessent pas : 2 200 existaient en 2017, il n’en restait que 2000 fin 2023. La France passera prochainement sous la barre symbolique d’une section d’inspection pour 10 000 salariéEs, qui est le ratio préconisé par l’Organisation Internationale du Travail pour les pays industrialisés. 

Objectif : retirer aux salariéEs les moyens juridiques et institutionnels de se défendre

Cette mise à mal de l’inspection du travail ne résulte pas seulement des coupes budgétaires qui ont frappé l’ensemble de la fonction publique. Service public tourné vers les salariéEs et leurs représentantEs, l’inspection du travail a été sciemment affaiblie dans le cadre d’un projet global visant à retirer aux salariéEs les moyens juridiques et institutionnels de se défendre, à modifier durablement les conditions de la lutte des classes en faveur des patrons. Une mobilisation pour un grand plan d’urgence à l’inspection du travail, rassemblant les agentEs du ministère du Travail, les organisations syndicales, les forces politiques de gauche ou encore les associations de victimes d’accidents du travail, est plus que jamais d’actualité. 

Correspondant