Le gouvernement a annoncé qu’il reprendrait à son compte les principales conclusions du rapport Combrexelle sur « la négociation collective et l’emploi », publié le 9 septembre dernier. La refonte totale de l’architecture du droit du travail est lancée, avec un code du travail réduit à portion congrue.
La publication du rapport intervient en point d’orgue d’une campagne médiatique et politique entretenue tout l’été sur la « simplification » : obèse et illisible, c’est le code du travail qui serait responsable du chômage et du manque de compétitivité des entreprises. Aussi Manuel Valls pouvait-il déclarer fin août qu’il fallait « revoir en profondeur la manière même de concevoir notre réglementation » sans susciter le moindre remous. Le rapport Combrexelle donne aujourd’hui le cap à tenir. Tout sera ensuite affaire de dosage.
Le fond...
La première étape serait une loi, prise dès 2016. L’articulation entre la loi et les accords sera revue : l’accord d’entreprise aura la priorité, même s’il est moins favorable, et la loi ne s’appliquera plus qu’à défaut d’accord. Les négociations de branche et d’entreprise seront facilitées dans des champs dits prioritaires (conditions de travail, temps de travail, emploi, salaires). Le nombre de branches sera réduit et chacune pourra commencer à définir son propre « ordre public », c’est-à-dire les dispositions qui s’appliqueront à toutes les entreprises du secteur sans dérogation possible. Enfin, les accords seraient limités dans le temps pour instaurer une cadence de négociation.
La seconde étape consisterait, d’ici quatre ans, en une réécriture entière du code du travail. Elle consacrerait le nouveau partage entre loi et accords. Le code du travail serait divisé en trois : les dispositions « impératives », celles relevant des négociations de branche et d’entreprise, et celles qui s’appliqueraient en l’absence d’accord. L’ordre public social serait pour l’essentiel défini au niveau de la branche et les règles particulières dans l’entreprise : le code du travail n’aurait plus qu’un rôle « supplétif » en cas de panne ou d’échec des négociations.
Quelles seront les dispositions impératives ? Les petites phrases que l’on entend sur les 35 heures ou les SMIC de branche ou territoriaux montrent que bien des tabous pourraient sauter d’ici quatre ans. Le rapport Combrexelle propose même de faire de la santé et de la sécurité au travail un sujet de négociation ! Manuel Valls a écarté certaines propositions hardies (comme la possibilité, au niveau de la branche, de définir le seuil de majoration des heures supplémentaires par branche ou de négocier de « nouvelles formes de contrat de travail »), mais elles pourraient donc vite refaire surface.
Et la forme...
Le gouvernement agira vite. Une conférence sociale est prévue le 19 octobre, une négociation interprofessionnelle suivra et une loi est annoncée pour 2016. Il pourra compter sur les soutien de la CFDT, de la CGC et de la CFTC, qui ont indiqué leur disponibilité à négocier. De son côté, le Medef se dit « séduit », tandis que la CGPME joue la surenchère en réclamant la systématisation du référendum pour valider les accords et liquider la présence syndicale dans les PME. En réalité, le patronat sait parfaitement que le « dialogue social » est une fiction pour l’écrasante majorité des salariéEs. Son objectif n’est pas de négocier à tout prix, mais bien de réduire au strict minimum les protections codifiées, applicables à l’ensemble des salariés indistinctement de la branche ou de l’entreprise.
Passées les protestations d’usage, la CGT et FO sont loin d’avoir sonné le tocsin et temporisent dans l’attente de la conférence sociale. Mais son boycott est réclamé par plusieurs unions départementales ou syndicats CGT, qui cherchent également à donner un contenu plus offensif à la journée du 8 octobre. C’est maintenant que doit s’organiser la riposte unitaire des travailleurs et de leurs organisations syndicales et politiques pour empêcher le gouvernement de servir le code du travail au patronat sur un plateau.
Le comité inspection du travail – Pôle emploi Île-de-France