A quelques mois de son congrès, la CGT fait sa rentrée, consciente des critiques sur les cause de l’échec du front syndical en juin.
Le 8 septembre, la CGT tenait son meeting de rentrée sous le titre : « Construire une rentrée de luttes ». Si la CGT est au cœur de toutes les interrogations syndicales, c’est évidemment parce qu’elle tient une place stratégique, en particulier dans le front des huit organisations, qui avait suscité l’espoir avant de péricliter en mai-juin. Difficile de dire si le front va se reconstituer, même pour le 7 octobre, date de mobilisation internationale contre le travail précaire. Consciente des difficultés, la CGT semble avoir choisi d’agir sans attendre.
En réponse au besoin exprimé publiquement (New Fabris, Continental, etc.) de rassembler les luttes contre les licenciements, les fédérations de la chimie et de la métallurgie appellent à une manifestation le 17 septembre, devant la Bourse de Paris. Bernard Thibault annonce dans la foulée une « manifestation nationale à Paris » le 22 octobre, « pour l’avenir de l’emploi et des industries ». Sarkozy marche aussitôt sur ses plates-bandes en « reprenant » l’idée CGT d’états généraux de l’industrie avant fin 2009.
Pourquoi des dates d’action CGT ? Même si Bernard Thibault est souvent adepte de la méthode Coué (affirmant un prétendu embarras du pouvoir face au front syndical, alors que Sarkozy joue sur les contradictions stratégiques des uns et des autres), il est impossible de ne pas voir le malaise profond qui traverse la confédération à la veille de son congrès. Et ce n’est pas seulement à Continental que les questions se posent : ce n’est là que la partie ultra-médiatisée de l’iceberg.
Les interrogations sur la stratégie des luttes se sont multipliées. La CGT, elle-même, a demandé à ses structures de donner leur avis, ce qu’elles ont fait dans 30 contributions intéressantes. La synthèse qui en ressort est la nécessité de « ne pas repartir sur le rythme qui a amené à la démobilisation », de « donner de la visibilité à une rentrée offensive », et d’un « chiffrage des revendications ».
Chiffrage ? On n’en voit guère la trace dans les annonces faites pour la manifestation du 22 octobre. Pourquoi la confédération n’a-t-elle pas de revendications salariales chiffrées, en dehors du Smic ? Certaines de ses structures défendent l’exigence de 200 ou 300 euros : ce qui est possible régionalement serait-il impossible à l’échelon confédéral ? Les mêmes questions se posent en ce qui concerne la bataille pour l’emploi.
Le document du congrès confédéral s’efforce de montrer que la « sécurité professionnelle » commencerait à se concrétiser dans des accords que la CGT n’a même pas toujours signés (exemple : le contrat de travail). Mais la confédération fait silence sur l’obtention par les Continental de plusieurs années de maintien de salaire payé par le patron (et pas seulement une « prime »).
Même si la CGT reste un syndicat revendicatif, sa stratégie tend vers une démarche sans objectifs clairs, doublée du refus obstiné de jouer un rôle dans une perspective politique alternative. La CGT reste aussi un syndicat de lutte dans ses « gènes ». Mais parviendra-t-elle à sortir du balancement entre le « rassemblement » du syndicalisme, sans dynamique d’affrontement avec le pouvoir, et la tentation d’agir seule, mais sans en avoir les moyens ? Un vieux débat qui ressurgit.
Dominique Mezzi