Valls et Berger le défendent partout : non, la 3e conférence sociale du gouvernement Hollande n’a pas été un échec. « Il y a un tas d’avancées qui montrent qu’il fallait être autour de la table », s’est félicité Laurent Berger de la CFDT. « Ca valait le coup d’être là », affirme Carole Couvert (CGC). « Nous avons atteint nos objectifs », a estimé l’UNSA...
Pourtant, les résultats immédiats et concrets de la conférence sont maigres : mise en place d’un comité de suivi des aides aux entreprises, modulation du forfait social, création d’un observatoire des rémunérations ou encore coup de pouce aux effectifs de jeunes très en difficulté qui bénéficieront de la garantie jeune. Et la tenue d’une réunion à « haut niveau », en septembre, pour lever les obstacles à l’apprentissage. Dans la foulée, Valls a confirmé l’ouverture d’une discussion sur les seuils sociaux et la modernisation du « dialogue social » en entreprise.
Théâtre d’ombresLes menaces patronales et les « graves » décisions (initiées par Solidaires) prises par la CGT, FO et encore plus laborieusement par la FSU, relèvent de mises en scènes un peu lourdes. La conférence sociale ne se limite pas à deux jours de « In » mais fait suite à une quinzaine de réunions préparatoires auxquelles toutes les organisations syndicales ont participé sans formuler d’objections majeures. Quant aux négociations programmées en conclusion de la conférence, à ce jour, personne n’a annoncé leur boycott… Au contraire. Le « clash » provoqué par Valls quelques jours avant la conférence sociale, avec l’annonce du report de la mise en place des dispositions sur la pénibilité et sur les minimas horaires pour les CDD, est à la fois une provocation, et l’affirmation et la confirmation que le gouvernement est, avant tout, à l’écoute du Medef. Il a fourni une bonne occasion pour la direction confédérale CGT de faire semblant de répondre aux nombreuses et diverses contestations et injonctions visant à obtenir le retrait de la CGT de la conférence sociale : une dizaine de structures importantes, Union départementales, fédérations auxquelles il faut ajouter des interventions nominales de plusieurs responsables clairement identifiables. Malgré des nuances sur le fond et dans la forme pour demander le retrait de la CGT, toutes ces interventions convergeaient sur une exigence : ne pas continuer à cautionner le pseudo « dialogue social » proposé par Valls et Hollande. Moins spectaculaire que la mise en minorité de Thibault sur le Traité constitutionnel européen en 2005, cette contestation rejoint, tant par ses acteurs que sur le fond politique, les préoccupations de la « marche du 12 avril ». De ce fait, elle pourrait bien cristalliser une opposition durable à la ligne imposée par Lepaon et ses soutiens, malgré la diversité des courants qui la composent. La FSU s’est, quant à elle, distinguée de la CGT par sa plus grande lenteur et plus grande indécision, avant de finalement se retirer in extremis. Pour FO, l’opposition de la direction confédérale ne saurait effacer la réalité des structures qui, dans les entreprises et les branches, passent plus de temps à négocier et signer des accords de reculs sociaux qu’à mobiliser les salariéEs. À la CFDT, le recentrage et l’épuration opérés depuis 1995 (1) rendent aujourd’hui invisible toute forme de contestation.
Pendant la rupture, le « dialogue social » continue...La question du dialogue social ne se limite pas aux seules conférences sociales. Des entreprises au niveau national, ce sont des centaines de réunions, rencontres, négociations, commissions, auxquelles participent les organisations syndicales. Même si les statistiques du ministère ne rendent pas compte de la diversité des situations, elles montrent que, si les syndicats « réformistes » signent largement des accords (CFTC : 88 %, FO : 90 %, CFE-CGC : 91 % et CFDT : 93 %), la CGT est à 84 % (ce sont des statistiques basées sur les entreprises où les syndicats visés sont présents). Tout ceci concourt grandement à la constitution d’appareils de spécialistes coupés de l’activité syndicale et dont l’activité de négociateurs l’emporte sur la construction du rapport de forces nécessaire, y compris dans les négociations. Les postures politiques des responsables confédéraux vis-à-vis des politiques de droite ou de « gauche » et leurs décalage avec les préoccupations des salariéEs, ne sont qu’un des aspects des pratiques syndicales. Mais elles n’aident pas à la construction d’un syndicalisme « lutte de classe » qui, de l’entreprise au niveau national, se donne les moyens d’affronter les politiques patronale et gouvernementales.
Robert Pelletier
1 – Voir l’interview de René Mouriaux dans la revue l’Anticapitaliste n°56 de juillet, en ligne ici à partir du 28 juillet.