Le tribunal d’application des peines de Paris a accordé la liberté conditionnelle à Jean-Marc Rouillan, qui a passé 25 ans en prison. Mais le parquet a fait appel de cette décision, illustrant l’acharnement de l’Étatsà l’égard de l’ancien membre d’Action directe, comme l’explique son avocat Jean-Louis Chalanset. Il arrive de nouvelles mésaventures judiciaires à Jean-Marc Rouillan, alors qu’on croyait cette histoire terminée. Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit ?Ce n’est jamais terminé pour eux puisque, lors de l’audience du 2 avril dernier aux Baumettes, le parquet s’est acharné en lui posant des questions totalement ridicules comme savoir combien de charges il payait dans le logement qu’il occupe actuellement, en lui posant six fois la question. Lorsque j’ai dit que ce n’était pas l’inquisition, et sans rapport avec le sujet qui concerne exclusivement la demande de libération conditionnelle, le représentant du parquet m’a rétorqué que je me défoulerai « tout à l’heure lors des plaidoiries ». Quelle a été l’attitude de la cour ?L’audience est fixée au 10 mai prochain. Ils ont fait la convocation vite, ce qui permettra peut-être à Jean-Marc d’éviter de retourner en prison. Pour Georges Cipriani (lui aussi prisonnier d’Action directe) l’année dernière, compte tenu des délais et l’appel du parquet étant suspensif, il a dû réintégrer la détention pendant un mois avant que sa libération conditionnelle soit confirmée par la cour d’appel. Donc, pour Jean-Marc, on peut espérer, d’une part, que la cour confirme le jugement positif exprimé en première instance, et, d’autre part, qu’elle s’exprime sur son futur statut dans la semaine. Sinon, le 20 mai, il retournera en prison, puisqu’il est toujours officiellement détenu à perpétuité. La semi-liberté s’arrête à cette date.Y a t-il un acharnement de l’État et du parquet dans ce dossier ?Il y a évidemment un acharnement, quand on réfléchit qu’il y a sept ans que la peine de sûreté est terminée, donc depuis 2005, au départ, ils s’opposaient à sa libération en arguant qu’il y avait des risques de récidive de lutte armée. Ensuite, lorsqu’ils ont bien vu que les premiers militants d’Action directe étaient sortis et qu’il n’y avait bien sûr aucun risque de reconstitution d’un groupe armé, que la situation n’était pas la même, ils ont estimé qu’il n’avait pas de travail. Et maintenant, ils en sont à dire que le fait qu’il travaille dans l’édition, compte tenu des difficultés actuelles de l’édition, en faisait un travail précaire, même si c’est un CDI. Donc selon eux, il risquait de perdre son emploi, et dans ces conditions ils ont estimé qu’il valait mieux qu’il retourne en prison. Tout cela est évidemment en totale contradiction puisque Jean-Marc aura 60 ans au mois d’août, qu’il est atteint d’une maladie orpheline grave, et que s’il faisait l’objet d’un licenciement économique, il pourrait évidemment vivre sans faire de braquages de banques. D’ailleurs le parquet ne le dit pas. Simplement on cherche tous les moyens pour appliquer une vengeance d’État. Il est certain que l’État ne pardonnera jamais aux militants d’Action directe d’avoir exécuté certains de ses dirigeants. Il est retourné en prison il y a deux ans et demi, simplement pour s’être exprimé dans la presse...Oui, tout à fait, sur le simple fait qu’il ne pouvait pas s’exprimer s’il ne se repentait pas. La seule chose qu’il a dit, c’est « je ne peux pas m’exprimer, je ne pourrais le faire que si je me repentais par rapport aux actions que nous avons revendiquées ». Cette simple phrase lui a valu deux ans et demi de prison supplémentaires alors qu’il était à un mois et demi de sa libération conditionnelle. Il y a donc un acharnement particulier envers lui, chaque audience est une audience d’humiliation. Il n’a même pas le droit de présenter ses livres ou de tenir des conférences de presse pour présenter son travail, sans même parler des faits sur lesquels il a été condamné puisqu’il n’en a pas le droit. Je finirai en rappelant que les quatre militantEs d’Action directe ont tous été atteintEs de graves maladies en prison, que ce n’est pas une malheureuse coïncidence, ce sont évidemment les conditions de détention et les mesures extrême d’isolement qu’ils et elles ont subies qui en sont la cause. La repentance a t-elle une valeur juridique en France ?En France, non. La repentance n’a qu’un sens religieux ou moral, pas en matière judiciaire. On peut par un système « mafieux » obtenir des réductions de peine si on dénonce quelqu’un, mais ce n’est pas du tout comme en Italie par exemple, où le repentir politique amène à des réductions de peine voire des exemptions. Surtout, quand quelqu’un comme Jean-Marc Rouillan a purgé sa peine de sûreté et qu’on lui dit « vous ne vous êtes pas repenti donc vous ne sortirez pas », c’est sortir des nouvelles mesures qui n’existent pas en droit.
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