«Tu la nourris ta fille ? », me demande-t-on pour la troisième fois cette semaine. C’est vrai qu’elle est pas grosse mais, en même temps, elle n’a que trois semaines et, oui, je la nourris parce qu’elle manque encore sérieusement d’autonomie… En tous cas c’est ce que je pensais avant de comprendre que la bonne réponse est non : je ne l’allaite pas au sein, donc je ne la nourris pas ! Un peu agressif comme vocabulaire, non ? J’avais déjà eu un super tract de propagande pour l’allaitement chez la sage-femme, m’expliquant les sept points de QI que mon choix égoïste allait coûter à mon bébé, les maladies atroces qui vont lui sauter dessus faute des millions d’anticorps dont je la prive et les kilos que j’aurais plus de mal à perdre (sic)… mais je ne pensais pas être à ce point une mauvaise mère ! Comme quoi, sacrifier l’allaitement pour retourner le plus vite possible à sa vie a toujours mauvaise presse. Cela dit, pour celles qui tiennent à allaiter, pas de panique, il y a plein de moyens de se rattraper et de rejoindre le clan des mauvaises mères : les petits pots chauffés au micro-ondes, les week-end sans les enfants… dès qu’on se détache un peu de sa progéniture, les regards glacés fondent sur nous. En tout cas, moi il y a nombre de moments où je n’ai pas regretté mon choix irresponsable : vers cinq heures du matin, au troisième biberon de la nuit, quand c’est le papa qui s’est levé… Trop bien les biberons !CherE lecteur-lectrice, si toi aussi tu en as marre qu’on voie ton nez au milieu de ta figure, si tu ne veux plus culpabiliser quand tu ouvres ton frigo ou que tu oublies la fête des mères, bref si tu as repéré une norme qui te pourrit l’existence, ton témoignage est le bienvenu. Envoie-le à la rédaction de Tout est à nous ! qui le transmettra à l’équipe Normicides. Le normicide est un texte court qui raconte une expérience individuelle, donc subjective, sans prétendre au traitement exhaustif du sujet abordé. Il ne s’agit pas de créer des contre-normes, mais de déconstruire avec impertinence celles qui nous cernent, et d’inviter chacunE à l’autodétermination. Soumis à la réflexion collective, il devient politique. Les textes sont retravaillés et assumés par l’équipe Normicides, c’est pourquoi ils ne sont pas signés individuellement.