Selon le dernier rapport de l’Insee publié début novembre, les inégalités de patrimoines ont légèrement diminué de 2010 à 2015, mais, sans grande surprise, pas chez les plus pauvres, chez qui elles ont au contraire augmenté...
Selon ce rapport, le patrimoine brut médian des ménages français atteignait 158 000 euros début 2015 (cela signifie que la moitié des ménages possèdent moins de 158 000 euros de patrimoine... et que l’autre moitié en possède beaucoup plus). Et les écarts peuvent donner le tournis.
En effet, la moitié des ménages les plus riches concentre 92 % des avoirs patrimoniaux. De plus, les 10 % des plus riches disposent d’au moins 595 000 euros de patrimoine brut, détenant près de la moitié de l’ensemble du patrimoine. Cerise sur ce gros gâteau, 1 % des ménages les plus riches possèdent chacun plus de 1,95 millions d’euros d’actifs.
En revanche, à l’autre bout, la moitié des ménages les moins dotés détient 8 % du patrimoine brut, et les 10 % de ménages les moins dotés possèdent chacun moins de 4300 euros de patrimoine, et collectivement moins de 0,1 % de la masse totale.
Les inégalités progressent chez les plus pauvres
Si l’Insee tente de relativiser en titrant que les écarts de patrimoines « se réduisent légèrement », on s’aperçoit vite que c’est la concentration du patrimoine chez les plus riches qui s’est réduite. Et qu’au bout du bout, les plus riches possèdent toujours 139 fois plus de patrimoine que les plus pauvres !
De 2010 à 2015, la situation des plus pauvres s’est détériorée. Au sein des 10 % de ménages les moins dotés, l’indice Gini (qui varie entre 0 et 1, 0 correspondant à l’égalité parfaite, 1 à l’inégalité extrême) a ainsi fortement augmenté, passant de 0,523 à 0,684. Et le rapport entre les plus gros patrimoines et les plus modestes a augmenté d’un tiers en 5 ans !
De plus, les politiques d’austérité, le chômage de masse ont obligé les plus modestes à puiser dans leurs économies. Selon l’Insee, « le patrimoine moyen des 10 % de ménages les moins dotés, presque intégralement constitué de comptes-chèques et de livrets d’épargne réglementée », a en effet fortement diminué depuis début 2010 (- 30,2 %). Leur montant moyen est ainsi passé de 250 euros en 2010 à 150 euros en 2015 pour les comptes-chèques, et de 110 euros à 90 euros pour les livrets d’épargne réglementée...
Une fiscalité qui accentue les inégalités
Ce qu’oublie de mentionner le rapport de l’Insee, c’est que les inégalités de patrimoine augmentent également en raison des différentes politiques fiscales. Lors de son quinquennat, Sarkozy avait considérablement réduit la place de l’imposition du patrimoine, allégeant considérablement l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la fiscalité de la transmission du patrimoine (donations et successions). Certes, Hollande est revenu sur ces allègements... mais sans réinstaurer les impôts d’avant 2007. En effet, tout au long de son mandat, il a essentiellement tourné son action vers l’impôt sur les revenus du capital, la fiscalité sur le stock, la transmission du patrimoine étant totalement délaissée.
Cela sans parler de tous ceux au sein du gouvernement ou de la majorité qui ont revendiqué la suppression de l’ISF, comme c’est aussi le cas pour la quasi- totalité des candidats à la primaire de la droite. Car à droite, ils avancent tous le même argument : l’ISF ferait fuir les plus riches... La suppression de l’ISF représenterait pourtant une perte de 5 milliards d’euros environ dans les caisses de l’État. Et avec les baisses d’impôts sur les revenus du capital proposées par les candidats de la primaire, la facture grimperait à 10 milliards d’euros. Et tous voudraient compenser cette perte en passant à la retraite à 65 ans (voire même plus...) et en diminuant les minima sociaux…
De plus, Sarkozy propose, lui, d’exonérer de toute taxation la donation du vivant en ligne directe en dessous de 400 000 euros. Bruno Le Maire propose que le plafond d’exonération pour les donations en ligne directe passe de 100 000 à 150 000 euros et de 31 865 à 100 000 euros des grands-parents aux petits-enfants. On retrouve une telle mesure chez Fillon mais sans précision chiffrée.
Taxer le patrimoine, vraiment !
Pour le NPA et son candidat à la présidentielle Philippe Poutou, il faut une taxation des successions selon un barème fortement progressif, s’accompagnant de la suppression de toutes les possibilités d’évasion qui ont été mises en place. Sur l’ISF, notre proposition est de construire un impôt incluant l’ensemble du patrimoine, « outil de production » et œuvres d’art compris, fortement progressif, et sans plafonnement (ce qui permet aujourd’hui aux plus riches de le contourner).
Les politiques fiscales des dernières décennies ont accentué l’injustice fiscale. Une véritable politique anticapitaliste s’appuierait sur des mesures qui privilégient les impôts directs et la progressivité de l’impôt, taxant réellement le capital mais aussi le patrimoine.
Sandra Demarcq