Au moment où le gouvernement Barnier s’apprête à présenter son budget d’austérité, une tribune signée de 87 responsables de syndicats, d’associations et de personnalités affirme qu’« il y a une alternative à l’austérité budgétaire : c’est la justice fiscale, monsieur Barnier »1.
Elle dénonce « l’orientation de la politique fiscale injuste et inefficace impulsée par Emmanuel Macron » consistant à « engager des coupes budgétaires drastiques tout en se refusant “en même temps” d’imposer les plus riches et les grandes entreprises ».
Elle appelle à un « rééquilibrage » qui favoriserait le consentement à l’impôt et « permettrait également de dégager les recettes nécessaires pour répondre aux besoins sociaux, relever les défis écologiques et énergétiques et contribuer à la solidarité à l’égard des pays du Sud global… »
Deux aspects de ce texte méritent d’être discutés : l’appréciation des moyens à mettre en œuvre pour imposer le « rééquilibrage » souhaité par les auteurs de la tribune et la confusion opérée, tout au long du texte, entre les services et prestations assurés par l’État et financé par l’impôt, et la Sécurité sociale.
Une solution à portée de main ?
À moins de se contenter de mesure « justice sociale » de façade, destinées à rendre plus acceptable la poursuite de l’austérité, un véritable « rééquilibrage » suppose une modification significative de la répartition des richesses.
Considérer, comme le fait la tribune qu’il s’agit à de mesures « à portée de main » et se cantonner à un appel au « débat citoyen » et à des initiatives « notamment à l’occasion de la discussion sur le projet de loi de finances 2025 » apparait bien décalé par rapport aux objectifs annoncés.
La « Sécu » étatisée ?
Le second aspect discutable de cette tribune, est la confusion entretenue tout au long du texte entre protection sociale et budget de l’État.
Allocations familiales, retraites, santé sont l’objet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), texte distinct du projet de loi de finances (PLF). Voté chaque année à l’automne, le montant du PLFSS est supérieur à celui de l’État.
L’existence d’une Sécurité sociale conservant une autonomie (certes très relative) par rapport à l’État, et financée encore à 56,4 % par des cotisations sociales, et non par l’impôt, reste un obstacle à la volonté de transformer la protection sociale en une assistance minimum de l’État, variable d’ajustement des budgets d’austérité. Pour y parvenir les gouvernements libéraux rêvent d’étatiser totalement la sécurité sociale en l’intégrant aux « comptes publics » gérés par Bercy et de transformer les cotisations sociales versées par les employeurs en impôts payés par les classes populaires.
Face à cette offensive, le combat du mouvement social devrait être celui la réappropriation démocratique de la Sécurité sociale et de sa gestion sans contôle étatique et patronal par les assuréEs sociaux. Ce combat pourrait prendre aujourd’hui un nouvel essor alors que le discrédit des institutions de la 5e République n’a jamais été aussi grand. Il est regrettable que la signature de la tribune par des représentants d’organisations se réclamant pourtant de la défense de la Sécurité sociale l’affaiblisse en semant la confusion.
J.C. Delavigne
- 1. Publiée sur le site de Libération le 12 septembre 2024 et disponible sur le site d’Attac : Il y a une alternative à l’austérité budgétaire : c’est la justice fiscale, monsieur Barnier - Attac France