Les prisons françaises ne souffrent pas d’une surpopulation chronique comme le répètent à l’envi Valls, Urvoas ou les médias. Ce sont les personnes détenues dans les prisons surpeuplées qui souffrent de la sévérité chronique des juges et du zèle borné de l’administration pénitentiaire (AP).
En l’absence de tout droit collectif et de possibilités réelles ne serait ce que d’infléchir les décisions individuelles des autorités de la prison, il est étonnant (et regrettable) que des « mutineries » comme celle survenue au centre pénitentiaire de Vivonne ne soient pas plus fréquentes.
Vivonne : une leçon de choses
Le 13 septembre dernier vers 17 heures, après avoir dérobé les clés d’un surveillant, une soixantaine de détenus du centre pénitentiaire de Vivonne (562 places, à 25 km de Poitiers) ont ouvert les cellules du deuxième étage où étaient enfermées 176 personnes et y ont mis le feu. Les robocops de l’Eris (le GIGN pénitentiaire) sont intervenus, et vers 23 heures, les 50 derniers prisonniers rebelles se sont rendus. Deux d’entre eux, qualifiés de « meneurs », ont été mis en garde à vue. Une centaine de cellules sont hors d’usage et vont entraîner autant de transferts vers d’autres prisons.
Au travers des propos des avocats des deux présumés « meneurs », rapportés fidèlement par le journal local, on peut retrouver un grand nombre des caractéristiques de l’horreur carcérale des prisons françaises : la jeunesse, l’alourdissement des peines, le déni du droit au maintien des liens familiaux, l’obsession sécuritaire, l’arbitraire des commissions de discipline ou l’éloignement forcé...
Ainsi ici « L’étincelle qui lance la mutinerie, c’est le refus soudain d’une permission de sortie pourtant accordée à un détenu. Le matin, Medhi Ferrari, 30 ans, apprend qu’il ne sortira pas comme prévu dans l’après-midi pour aller voir sa femme durant deux jours »...
Valls : que 100 fois 100 cellules s’épanouissent !
Après Sarkozy qui en 2012 en voulait déjà 20 000, après Taubira qui en a fait voter 6 500 d’ici 2020, Valls vient de s’inscrire pour 3 milliards d’euros dans la course, avec 10 000 places de prisons à construire dans les dix ans à venir.
Cerise sur la gâteau, mardi 20 septembre, Urvoas, son ministre des tribunaux et des prisons, a déplacé toute la presse à Fresnes pour présenter un ambitieux plan immobilier pluriannuel. À l’argument de vente traditionnel de vouloir résorber la surpopulation carcérale, chimère poursuivie par tous les gardes des sceaux depuis 20 ans, il pousse le chiffre jusqu’à 16 000 nouvelles places, et ajoute même l’encellulement individuel, prévu par la loi depuis 1875 mais jamais appliqué...
Pourtant, « plus on crée de places de prison plus on les remplit », constate Adeline Hazan, contrôleure générale des prisons, qui énumère les alternatives à la détention, dont la contrainte pénale instituée par Taubira. Toutes ces mesures figurent dans le code pénal, mais les juges privilégient l’enfermement.
Pour sa part, l’OIP (Observatoire international des prisons) a démontré que si les 20 000 personnes qui exécutent une peine de prison de moins d’un an bénéficiaient d’un aménagement de peine, le parc pénitentiaire actuel serait suffisant et l’encellulement individuel pourrait être respecté.
En outre 28 % des détenuEs sont en détention provisoire, donc présumés innocents... Si les procureurs et les juges de la liberté et de la détention appliquaient la loi qui prévoit que la détention provisoire est l’exception de dernier recours au lieu de répondre à la vox populi, l’inflation carcérale pourrait être stoppée.
André Choagaz