Nous publions un texte d’un jeune habitant Le Grand Ensemble à Tremblay-en-France qui nous donne sa vision des événements qui s’y succèdent depuis quelques semaines. Je vis depuis 30 ans à Tremblay-en-France dans « le Grand Ensemble », comme ils le nomment, alors que c’est « le petit chacun pour soi » quand on connaît la réalité de ce quartier.Le chômage, l’exclusion, la précarité, le racisme et l’échec scolaire sont les principales causes du décrochage avec la société qui favorisent le chacun pour soi. Les jeunes stigmatisés de toutes parts sont loin d’être des bourreaux comme nous l’indiquent certains médias ces derniers temps. En réalité, ce qui s’est passé à Tremblay est une géante partie d’échecs entre un maire, un responsable associatif et bien sûr le gouvernement. Les flagrants dénis de réalité de Monsieur le maire de Tremblay sont nombreux et à chaque fois les habitants, en première ligne, sont choqués d’autant de diversions. Pourquoi nous matraque-t-il chaque semaine de courriers indiquant que Tremblay est une ville saine avec de beaux espaces verts, une belle piscine, un joli palais des sports etc., quand juste en dessous de la fenêtre de son bureau à la mairie, les agressions, les toxicomanes et leur lot de misère progressent ? Un responsable associatif a fait de cette question son combat et n’hésitait pas à contacter la presse pour des « opérations médiatiques »... Autant dire l’ennemi juré du maire.La partie d’échecs a commencé comme cela : refusant tout dialogue avec le responsable associatif, le maire s’est isolé dans son bureau bunkerisé à base de cloisons sécurisées, d’ascenseur qui ne dessert que son étage devenu privé et gardé par deux vigiles... rien que ça ! Voulant répliquer, le responsable associatif invite donc la société d’Emmanuel Chain pour réaliser un gros reportage à forte audience mettant au grand jour ce que le maire s’efforce de camoufler.Le sujet de départ était « dans l’enfer du deal » et devait montrer qu’être dealer n’est pas une vocation, parfois pas même un choix. Que les dealers en question était souvent exclus ou mal réinsérés et qu’ils continuaient de chercher du travail mais sans succès. Pour briser le mythe et les fantasmes sur l’univers du deal sans nier la réalité. Les bandes annonces arrivent donc sur TF1 et déjà le titre a changé... ça sent mauvais... Le montage que TF1 a diffusé était d’une toute autre nature... En même temps, il fallait s’y attendre ! Le responsable associatif a-t-il fauté en faisant confiance à TF1 ? Certainement. Le maire est prévenu qu’un reportage négatif sur son travail passera en prime time. Il décide de répliquer à son tour avant que le reportage soit diffusé, précipitant l’opération de police que nous connaissons tous, celle à 1 million d’euros (qui en contenait bien plus, croyez-moi), en voulant prouver, avant le reportage, son efficacité et son utilité. Quand la police a débarqué avec les camions municipaux, l’intervention était signée. C’est là que le gouvernement entre dans la danse, si je peux me permettre.Proche de la débâcle et encore sonnée de la raclée aux régionales, l’UMP trouve dans ce reportage de quoi se refaire. Surfant sur la peur du bon électeur, il sur-médiatise l’affaire qui donna les résultats que l’on connaît aujourd’hui.Alors qu’au moment où le premier bus 619 crame, un assassinat a eu lieu dans la ville voisine Bobigny (l’affaire Bourarach, ce jeune vigile du magasin Batkor à Bobigny assassiné par quatre extrémistes sionistes et jeté dans le canal de l’Ourcq), pourtant personne n’en parle, faisant d’un bus cramé une priorité pour justifier une politique sécuritaire, alors qu’il y a eu mort d’homme à Bobigny. Le ministre Hortefeux se déplaça à Tremblay suivi un peu plus tard par notre président pour soutenir les chauffeurs de bus et leurs vitres brisées mais toujours personne à Bobigny pour soutenir la famille du défunt assassiné à moins de 15 km du dépôt des bus. Pourquoi une telle omerta ? En quoi des bus caillassés seraient plus importants pour notre président que la mort d’un homme sur son lieu de travail ? Je vous le dis ici, Tremblay et ses violences ont bon dos et surtout elles sont un bon moyen de faire diversion. Mais revenons aux violences tremblaysiennes.Je roulais sur l’avenue de la Paix au moment même où le premier bus fut incendié. Scandalisé, je demande à un jeune qui tient un cocktail Molotov pourquoi il fait cela. Le jeune mineur me répond « c’est parce qu’il y a trop de keufs » ! Devant la détermination de la réponse du mineur, je n’ai aucune réponse sérieuse à lui donner. En effet, les contrôles à répétition sur des jeunes et moins jeunes qui n’ont jamais eu de lien avec la délinquance, en agacent plus d’un. Le manque de connaissance du terrain par les policiers fait qu’ils arrêtent n’importe qui n’importe comment, ce qui a pour conséquence d’énerver mêmes les plus calmes. Je prends l’exemple d’un après-midi où je sortais du Mc Donald, des escadrons de CRS ont, devant tout le monde, tiré au flash-ball sur des jeunes qui... jouaient au foot ! Comment voulez-vous que ces mêmes jeunes continuent leur partie de football après cette agression policière ? Ces jeunes sans histoire sont donc entrés dans une bataille avec les CRS avec des pierres alors qu’ils n’étaient ni des casseurs ni des délinquants ! Ce genre de technique longtemps utilisée en période électorale pour attirer les gens à voter à droite est désormais une pratique pour faire péter les plombs des jeunes des cités. Mon intime conviction est que, pour le maire de Tremblay, le reportage de TF1 est un bon moyen de diversion pour nous faire croire que la chaîne nationale a inventé le deal et la violence dans sa ville faisant passer le responsable associatif pour la balance qui a servi à l’arrestation d’un dealer, que le gouvernement a une bonne diversion pour se refaire un électorat et étouffer l’affaire Bourarach... Échec et mat, le responsable associatif perd la partie... La misère continue. Une racaille bien informée de la cité