Notre camarade Pierre Granet est mort ce 2 mai 2020 à son domicile. La tristesse et le vide que son départ créent sont immenses. Pierre connaissait beaucoup de monde et était apprécié de toutes et tous, bien au-delà des rangs de son parti, le NPA. Nous voulons lui rendre hommage à la mesure de l’engagement qui a été le sien pendant toute une vie, mais également à la mesure de la tendresse que nous avons pour lui.
Pierre, alias Vimont, nous parlait souvent de sa jeunesse et de Mai 68. Militant dès le lycée en 1967 à Paris, il sera à l’origine de la fondation de la JCR à Marseille où il a animé le mouvement lycéen en 1968. Actif dans les Comités d’action lycéens (CAL), lui et ses camarades occuperont plusieurs semaines le lycée Adolphe Thiers, rebaptisé « Commune de Paris » le temps du mouvement. Par la suite, Pierre a animé le mouvement étudiant à la fac d’Aix jusqu’au milieu des années 70. Lors de son service militaire, comme d’autres militants de son courant politique, il a monté un comité de soldat.
Educateur à la PJJ, il sera très actif dans le SNPES-FSU comme ensuite au syndicat CGT des correcteurs du livre où il militera jusqu’à sa retraite dans des conditions difficiles dues à l’isolement du travail à domicile. Il a toujours été convaincu de renforcer l’implantation de la LCR puis du NPA dans les entreprises et a passé beaucoup de temps à aider des camarades de l’extérieur, comme à Airbus dans les dernières années de sa vie.
Pierre s’est également investi autour de l’école. Il a été président de la FCPE 31 quand ses enfants étaient encore scolarisés. Il participera à l’élaboration théorique du NPA sur cette question, pour une école émancipatrice et débarrassée des inégalités.
Combattant internationaliste sans relâche, il a milité méthodiquement pour la solidarité avec les luttes des peuples à travers le monde, avec cette conscience que le combat contre le capitalisme n’avait de sens que s’il s’étendait par-delà les frontières et les nationalités.Dès sa jeunesse, comme le reste de sa génération, il s’investira sur le Vietnam.Dès l’automne 1980, il s’est engagé en faveur de Solidarnosc avec la conviction que la révolution démocratique pouvait renverser la dictature stalinienne sans restaurer le capitalisme.Il est un militant de longue date de la lutte pour les droits du peuple palestinien et tous les ans il se rendait à Lannemezan pour demander la libération de Georges Ibrahim Abdallah.En 2011, il militera activement en solidarité avec les Printemps arabes, en particulier aux côtés des ouvrières tunisiennes de Latelec.Il s’est rendu plusieurs fois au Kurdistan et il a su lier des liens politiques et personnels avec la communauté kurde à Toulouse. Pour nos camarades kurdes, sa disparition est une grande tristesse. Il n’est jamais arrivé à parler le kurde (au-delà de quelques mots) à son grand désespoir.
Il a appris le catalan en 15 jours pour suivre les événements en Catalogne il y a deux ans afin de traduire en français les minutes du parlement catalan. Il a milité en solidarité avec le peuple grec après la crise de 2008.
Suite à son engagement de longue date à la LCR, il a consacré énormément d’énergie à construire le NPA. Nous nous rappellerons entre mille autres choses des campagnes de 2012 et 2017 où, par dizaines, il aura convaincu des maires de parrainer Philippe Poutou.
Dans la dernière période, il a été de toutes les manifestations des Gilets Jaunes avec le cortège du NPA, sous la licorne. Il a été présent sur toutes les activités du NPA, notamment dans le cadre du mouvement sur les retraites et la dernière campagne électorale. Sous le confinement, il s’était même converti aux outils numériques pour continuer à participer aux comités et AG en ligne. Il nous avait envoyé un dernier selfie en solidarité avec les jeunes réprimés pour une banderole "Macronavirus : à quand la fin ?", jeu de mot dont il a très certainement la paternité, avant même la Une de Charlie Hebdo. Il aurait aimé que le NPA 31 appelle à une manifestation dans la rue ce premier mai, sentant les dangers du confinement pour nos libertés démocratiques.
Il est impossible de résumer dans un court texte l’intégralité du parcours militant de notre camarade.
Sa culture militante, la précision de sa mémoire, la maîtrise des débats qui ont traversé notre courant depuis des décennies font de son décès une perte immense. Un bout d’histoire du mouvement ouvrier marxiste et révolutionnaire part avec lui. C’était un intellectuel rare, qui a également produit textes et analyses qui gagneraient à être plus largement connus.
Nous pensons également à sa compagne et à ses deux filles et leur adressons toute notre solidarité. Il avait perdu son fils il y a quelques années, cela l’avait beaucoup affecté. Sa réaction immédiate avait été de dénoncer le capitalisme. Il le tenait responsable de sa mort en ne donnant pas les moyens aux services essentiel de la recherche médicale. Aujourd’hui encore...
Toujours attentif aux autres, droit et juste dans ses rapports humains et militants, il passait beaucoup de temps à débattre - parfois obstinément mais toujours avec respect -, convaincre, former nos camarades jeunes et moins jeunes. On peut dire sans se tromper que son enthousiasme était intact après une vie militante extraordinairement riche. Pierre, nous ne t’oublierons pas. Tu laisses derrière toi un héritage précieux et vivant pour les anticapitalistes que nous sommes. Tu laisses aussi derrière toi le souvenir de ta bienveillance et l’exemple d’un camarade avenant et fraternel par-delà les divergences qui peuvent traverser le mouvement ouvrier. Ton combat, notre combat, se poursuit. Jusqu’à la victoire !
Toulouse le 3 mai 2020