Le RN va certainement profiter de la énième offensive gouvernementale contre l’assurance chômage pour ajouter une couche à son vernis social. Confortée par son conseiller du moment, Jérôme Sainte-Marie, Marine Le Pen tient pour acquise sa réputation d’incarnation d’un « bloc populaire ».
Pour fracturer cette prétention, il est nécessaire de partir du discours du RN, en y ajoutant les sous-titres qui donnent la cohérence à un positionnement parfois difficilement cernable. Pour dévoiler son projet délétère pour les classes populaires, il faut l’articuler avec ses deux piliers fondamentaux, xénophobe et sécuritaire, où la question de l’immigration reste centrale.
Un positionnement a minima
À la première écoute, peu d’accents franchement « antisociaux » chez les députéEs du RN. Les grandes formules enrobent quelques mesures en faveur des classes populaires, bien que ses députéEs interviennent peu. On ne compte qu’un voire deux intervenants du RN au mieux parmi les vingt intervenants lors des séances à l’Assemblée. Le RN propose souvent des amendements sur des revendications déjà satisfaites. Sur des sujets techniques ou sur des mesures qui n’engagent pas de discussion de fond, il arrive que le RN propose des amendements identiques à ceux de la Nupes. Lorsque le RN vote les amendements « de bon sens » de la gauche anti-libérale, il s’agit souvent de positions d’hyper-repli qui cherchent sans conviction à obtenir quelques maigres progrès. Mais le RN peut aussi marquer son opposition en votant contre les projets de loi, voire pour les motions de rejet de la Nupes.
La réforme des retraites
Pour son entrée en matière, à l’été 2022, le RN vote pour la loi sur le pouvoir d’achat et contre la motion de rejet... tout en qualifiant le projet de « nullissime ». La séquence contre la réforme des retraites illustre aussi cette posture : prétendue revendication de la retraite à 60 ans, alors que son système progressif aboutirait à une retraite à 63 ans voire 67 ans pour la grande majorité de la population, moulinets parlementaires afin de se faire passer pour l’opposant n° 1, délégitimation des grèves pour lui préférer la seule perspective électorale, l’appel au référendum, plus institutionnel et donc contrôlable.
Cette stratégie vise à donner des gages de sérieux institutionnel et à préserver sa prétention de premier opposant. Elle alimente la logique du « c’est mieux que rien », « tout est bon à prendre » ou du « nous nous contenterons pour l’instant de ce que vous nous donnez », maintes fois entendus dans les interventions des députéEs du RN. C’est un des moteurs non négligeables du vote pour Marine Le Pen : on a tout essayé, il ne reste que le RN. Face aux crises et à l’implantation du RN dans les classes populaires, les réponses d’une gauche de rupture peuvent casser les faux-semblants de la lutte de façade contre l’extrême droite.