Publié le Mercredi 29 novembre 2023 à 09h55.

Plus que jamais, s’organiser et construire la solidarité contre le racisme

Dès le 15 octobre 2023, date anniversaire du départ de la Marche, plusieurs événements ont été organisés à Marseille et Lyon. Mais loin de la commémoration du 30e anniversaire qui, sous le quinquennat de Hollande, avait fait l’objet d’une nouvelle tentative de récupération du PS.

 

À ce jour, Macron s’est contenté d’un tweet aussi discret qu’indécent saluant le début de ces initiatives « Pour la Liberté contre le racisme. Pour l’Égalité contre les assignations. Pour la Fraternité contre les discriminations ». Surtout pas question de donner quelque visibilité que ce soit à cet évènement majeur des luttes antiracistes qui a vu se mobiliser les quartiers populaires racisés et tout particulièrement sa jeunesse. Nous ne doutons pas qu’un Darmanin l’aurait interdite !

De la trahison de la gauche réformiste à la réaction néolibérale

La Marche de 1983 a été un tournant et la fin des illusions dans l’État providence. L’élan porté par cette immense mobilisation s’est vite heurté à la réalité d’une société française où le passé colonial imprègne profondément l’appareil d’État et en particulier la police, mais aussi une grande partie du personnel politique de droite comme de gauche et où le racisme est intrinsèquement lié à l’exploitation capitaliste. Pour toute réponse aux revendications de justice et d’égalité des MarcheurEs, le président Mitterrand et son gouvernement PS-PCF (qui d’ailleurs avaient « oublié » leur promesse d’un droit de vote pour les étrangerEs aux élections locales) ont annoncé l’instauration d’un titre de séjour de dix ans… renvoyant les MarcheurEs — dont beaucoup étaient Français mais de parents immigrés — à leur statut d’« étrangers » à peine tolérés ! Et, ultime négation de la parole des MarcheurRs, le PS lançait en 1984 son opération SOS-Racisme instrumentalisant la soif d’égalité des MarcheurEs en un antiracisme moral folklorique qui ne posait plus les questions fondamentales en jeu sur le racisme institutionnel en les renvoyant à leurs banlieues. Le slogan « Touche pas à mon pote » ? « Un message paternaliste qui veut dire : t’inquiète, petit maghrébin, on va s’occuper de toi. Une manière de nous neutraliser politiquement », déclarait Zohra Boukenouche1.

Dans le même temps, ce gouvernement, aux prétentions de gauche mais défendant les intérêts du capitalisme français, inoculait le poison de la division raciste, islamophobe, face aux grèves de l’automobile dont les ouvriers immigrés étaient aux avant-postes. Mauroy, Premier ministre PS, dénonçait les travailleurs immigrés pour être « agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises ». Plus clairement encore, le Darmanin de l’époque, Gaston Defferre, désignait les « intégristes chiites ». Le fasciste Le Pen et ses descendantEs ont su prospérer sur le terrain pourri du racisme auquel cette « gauche » a donné alors une légitimité et une respectabilité.

Le poison raciste poursuit ses ravages

Le capitalisme a intrinsèquement besoin d’une armée de réserve exploitable à merci, une immigration jetable en fonction de ses besoins. Mais la Marche tout comme les grèves ouvrières « immigrées » ont montré à la bourgeoisie et à ses politiciens que les travailleurEs immigréEs et leurs familles ne repartiront pas ! Le poison raciste alors inoculé va poursuivre dans les décennies suivantes ses ravages, alimenté par les crises économiques de plus en plus graves que le capitalisme va connaître, avec des politiques de plus en plus antisociales de la part de gouvernements néolibéraux aussi bien de droite que « de gauche ». Plus que jamais il est indispensable à la survie du capitalisme de répondre au désespoir grandissant des classes populaires « françaises de souche » en jetant en pâture des boucs émissaires — des ennemis de l’extérieur et de l’intérieur : les migrantEs, les jeunes des quartiers populaires, musulmanEs ou supposés l’être, terroristes en puissance, etc. Multiplication et durcissement des lois et décrets racistes, fermeture des frontières aux migrantEs voués à mourir sur les routes de l’exil, surexploitation des sans-papierEs, quartiers populaires abandonnés par la politique sociale mais pas par une police de plus en plus brutale, gangrenée par les fascistes.

À la différence des révoltes de 2005, la révolte des quartiers populaires en réaction à l’assassinat de Nahel a vu s’amorcer un mouvement unitaire de solidarité. Il doit s’approfondir et s’élargir. Les luttes des migrantEs, des sans-papierEs, des jeunes des quartiers populaires racisés sont les nôtres !

  • 1. Zohra Boukenouche, l’une des fondatrices de radio Gazelle, une des premières radios libres, multiculturelle, lancée dans les quartiers Nord de Marseille.