Sous la forme d'un hors-série spécial de notre revue, le NPA publie un travail important de notre camarade de la LCR belge, Daniel Tanuro. En commentant de façon critique le Manifeste écosocialiste du Parti de gauche, il contribue à définir le socialisme pour lequel nous nous battons. Essentiel, dans tous les sens du terme.
Prenant appui sur la référence commune au Manifeste écosocialiste international publié en 2002, Daniel Tanuro s'applique à débattre point par point avec les 18 thèses du Manifeste pour l’écosocialisme adopté en mars 2013 par le congrès du Parti de gauche. « Pourquoi consacrer un tel travail au projet de Manifeste écosocialiste d’une formation politique particulière dans un pays particulier ? Parce que (...) le document proposé par le Parti de gauche fait pénétrer le lecteur au cœur de l’énorme, de la gigantesque, de la vertigineuse difficulté à laquelle sont inévitablement confrontéEs celles et ceux qui, en France et ailleurs, adoptent l’écosocialisme comme cadre de réflexion : comment répondre à la fois aux besoins sociaux et aux exigences écologiques lorsque trois milliards d’êtres humains manquent de l’essentiel et que le sauvetage du climat impose de produire moins, sous peine de catastrophes irréversibles ? » La discussion se concentre autour de trois questions décisives : anticapitalisme ou antilibéralisme ? Autogestion ou pilotage par l’État ? Refondation par les luttes ou réforme institutionnelle ?
Derrière la finance, tout le système économiqueSur le premier point, le manifeste du PG désigne ceux qui sont pour lui « les vrais coupables (...) : l’oligarchie financière mondialisée, les gouvernements soumis aux lobbies des multinationales sans contrôle démocratique, les idéologues de la concurrence « libre et non faussée », du capitalisme vert et du libre-échange ». Mais force est de constater que Bhopâl, Seveso, Fukushima, l’Erika, la destruction de la forêt tropicale, le scandale de l’amiante et les autres catastrophes environnementales des dernières décennies ne sont pas imputables à ces seuls responsables..., et que le réchauffement climatique global, dû principalement à l’envolée des émissions de gaz à effet de serre au cours des Trente Glorieuses, est le produit du fonctionnement ordinaire du capitalisme. Tout capitalisme est nécessairement productiviste parce que la concurrence pour le profit est son seul moteur. Il n’y a pas d’espace pour un « écosocialisme par étapes », qui commencerait par rompre avec la mondialisation néolibérale en reportant les tâches anticapitalistes à plus tard. Surgit alors une autre discussion : pourquoi « socialisme » a-t-il si longtemps rimé uniquement avec productivisme ? Est-ce dû au projet socialiste lui-même ? Sinon, quelles mesures, quel programme pour éviter de retomber dans l’ornière ? Daniel Tanuro pointe « trois phénomènes combinés (qui) ont joué un rôle majeur : l’étatisme, la bureaucratie et le repli national ».
Articuler les ruptures sociales et écologiquesConscient de la difficulté qui « réside dans le gouffre béant entre la nécessité impérieuse d’une alternative socialiste et le niveau de conscience actuel (...) des exploitéEs et des oppriméEs », l'auteur propose de répondre à la fois aux demandes sociales et aux urgences écologiques, à travers un programme qui permette d’amorcer la rupture. La nationalisation des secteurs de l’énergie et de la finance, sans indemnité ni rachat, est le point de départ incontournable d'un plan écosocialiste, articulant la suppression des productions inutiles ou nuisibles, la sortie du nucléaire et du tout-automobile, le passage à une agriculture paysanne, la reconversion des travailleurs et travailleuses des secteurs condamnés, le développement du secteur public, et le partage du travail entre toutes et tous sans perte de salaire… Ce programme doit mettre en perspective la formation d’un gouvernement capable de l’appliquer, aux niveaux national, européen et mondial. Mais une telle perspective « ne doit pas servir à justifier le rabaissement du programme au-dessous du niveau permettant effectivement la rupture, de même que la nécessité d’une vaste mobilisation sociale ne doit pas servir à justifier une stratégie étapiste de réforme préalable des institutions ». Une lecture indispensable !
Christine Poupin