Nous avons touTEs eu des informations sur l’état alarmant de la biodiversité. La presse titrait récemment « Alerte rouge » et parlait d’« effondrement » de la biodiversité suite au premier rapport de l’IPBES début mai 2021.
Le début potentiel d’une sixième extinction des espèces a trois caractéristiques : un rythme très rapide, la responsabilité des activités humaines, une forte accélération depuis la naissance du capitalisme industriel. Même si elle a commencé avec la disparition de la mégafaune, déjà due aux activités humaines, entre – 50 000 ans et – 10 000 ans. Des espèces ont vécu des crises climatiques extrêmes sans disparaître (en Amérique et en Australie) et c’est bien l’arrivée des humains au paléolithique supérieur qui les a supprimées.
En 2017, le rapport de 15 000 scientifiques indiquait des destructions qui poussent les écosystèmes « au-delà de leurs capacités à entretenir le tissu de la vie ». Aujourd’hui, 132 États ont cosigné le rapport public des scientifiques.
Dans le dernier bilan, les taux d’extinction des espèces sont de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de fois supérieurs à ceux des dernières 10 millions d’années. Le rapport estime qu’un million d’espèces sont menacées à brève échéance (sur une base de 10 millions) et note une accélération du rythme mondial d’extinction depuis 15 ans. Il faut ajouter l’effondrement des densités des espèces communes. Pour les oiseaux, en France, le déclin est deux fois supérieur pour 50 % des espèces qui représentent 97 % du nombre d’individus. Un rapport européen de 2014 note ainsi la disparition de 420 millions d’individus oiseaux sur une estimation de 2 milliards, soit 20 % de perte, de 1980 à 2010. Le rapport Muséum/CNRS oiseaux de 2018 indique une « disparition massive et à une vitesse vertigineuse ». Les espèces « disparaissantes » ne disparaitront pas à court terme mais perdent une part considérable de leurs effectifs. Un rapport allemand de 2017 indique 75 à 80 % de perte des insectes dans ce pays. On sait aujourd’hui que les deux objectifs de la conférence internationale à Aïchi (Japon) en 2010 (rythme d’appauvrissement des habitats naturels réduit de moitié et état de conservation des espèces amélioré) n’ont pas été atteints et que la situation s’est dégradée.
Les causes et les conséquences de cet effondrement sont identifiées
Le changement d’utilisation des sols (ainsi 85 % des zones humides ont disparu), le réchauffement climatique, l’exploitation intensive des ressources (chasse, bois, pêche, extraction minière), les pollutions, les espèces invasives (ce point est controversé).
Les conséquences pour l’alimentation : en 2018 la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) note que 75 % des cultures mondiales dépendent directement de la pollinisation, donc de la biodiversité. Tout comme la productivité des océans ou l’état et la fertilité des sols (effondrement de la micro faune, remise en cause du cycle de recomposition). Par exemple, les fourmis améliorent les récoltes de blé dans les régions arides de 35 % grâce aux tunnels qu’elles creusent dans le sol, qui facilitent l’infiltration d’eau. Elles protègent les plantes des moisissures.
La limitation de la biodiversité génétique des plantes et des animaux d’élevage constitue un autre risque majeur :
- sur l’état de l’air, de la ressource en eau potable
- sur la capacité de réponse au réchauffement climatique. Ainsi, les milieux naturels absorbent 60 % des gaz à effet de serre produits par l’humanité. Le réchauffement climatique induit la perte de biodiversité qui elle-même aggrave le réchauffement climatique. La boîte à outils à notre disposition pour réagir diminue (voir la disparition des mangroves et le rôle des coraux dans la protection naturelle du littoral face aux tempêtes).
- sur l’état des ressources : ainsi, deux milliards d’humains dépendent du bois pour leurs besoins énergétiques, quatre milliards dépendent des plantes pour leur santé.
Les récents travaux scientifiques indiquent une corrélation entre diminution de la biodiversité et réduction des services écologiques (production de biomasse, capacités à décomposer/recycler), une relation forte entre le nombre d’espèces végétales, la productivité et la durabilité de l’écosystème et ses capacités de reconstitution.
50 % de l’économie mondiale repose sur le fonctionnement des écosystèmes : rendement des cultures, production de bois, résistance aux pathogènes dans les cultures, réduction du contrôle biologique (prédation), diminution de la pollinisation. En fait 100 % si on compte la chimie de l’atmosphère, le cycle du carbone et de l’eau, celui des nutriments, la formation des sols.
Mais la perte de biodiversité conduit aussi à la perte de l’adaptabilité, la perte des possibles. C’est une adaptation probablement sans importance à l’époque (diverticule respiratoire dans les os) qui a permis à certains dinosaures (qui deviendront les oiseaux) de survivre à la cinquième crise d’extinction et leur donnera une fantastique diversification lors des épisodes géologiques suivants. La baisse de la biodiversité, c’est l’augmentation de l’imprévisible.
Les travaux scientifiques disent ouvertement qu’il faut aller plus loin et parlent de « contribution de la nature aux sociétés ». Les « services éco-systémiques de la nature » sont élargis aux dimensions culturelles et sociales : l’effondrement de la biodiversité impacte plus les plus pauvres, accroît des inégalités, conflits, guerres qui empêchent les sociétés de réagir.
Alors, est-il trop tard ?
Le rapport de l’IPBES indique que le changement ne se fera qu’« au prix de la transformation des facteurs économiques, sociaux, politiques et technologiques » et souhaite des « réformes fondamentales des systèmes financier et économique mondiaux » au profit d’une « économie durable ». Il cible concrètement : l’agriculture intensive, la pêche industrielle, l’exploitation forestière et minière. Ces analyses ouvrent une porte vers… la sortie du capitalisme.