La France est le seul pays à pratiquer le retraitement des combustibles nucléaires usés, pour refaire du combustible à l’uranium recyclé ou du MOX au plutonium, qui alimente 22 des 58 réacteurs EDF. En 2018, un rapport parlementaire avait déjà épinglé ce « cycle du combustible ». Présenté comme « vertueux » par les principaux intéressés (CEA, Orano, EDF et l’Andra), il a comme objectif inavoué de perpétuer la filière nucléaire. Le 25 février, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a ouvert la voie au « grand carénage » pour prolonger de 20 ans les centrales EDF. Vieillissantes et fragilisées par des malfaçons suite à des falsifications, les incidents se multiplient. Jusqu’à l’accident ? Car les remises à niveau post-Fukushima, EDF les prévoit pour… 2034. L’EPR a pris 11 ans de retard et l’ASN a autorisé EDF à utiliser sa cuve en inox, une pièce essentielle pourtant défectueuse. Fermant les yeux sur les normes qu’elle a elle-même édictées, l’ASN se limite à demander à EDF une « démonstration alternative » prouvant qu’elle va tenir le choc.
Un dossier explosif
Ça coince aussi pour les déchets, qui prolifèrent. Ceux issus du retraitement sont refroidis 10 ans dans l’eau et 50 ans à l’air par Orano (usine de la Hague) en vue d’un stockage à 500 mètres sous terre par l’Andra (projet Cigéo). Chauds et dangereux pendant plus de 100 000 ans, rien ne garantit que la radioactivité restera confinée sur une telle période, sans compter les risques d’accident (incendie, inondation…). Mais on ne peut retraiter qu’une seule fois, et les combustibles MOX doivent rester immergés 100 ans au lieu de 10 ; les piscines de La Hague seront saturées vers 2030, bloquant la filière. EDF veut une piscine centralisée à La Hague pour refroidir pendant 120 ans 10 000 tonnes de combustibles usés très radioactifs (une centaine de réacteurs). Mais l’eau est un écran volatile : en cas de fuite ou d’évaporation, de choc accidentel ou intentionnel… et c’est la réaction en chaîne, l’équivalent de 50 Fukushima. En un siècle, on a eu deux guerres mondiales, Tchernobyl et Fukushima, alors sur 120 ans… Une alternative d’entreposage « longue durée à sec » est en débat au sein du mouvement antinucléaire. Arrêter le nucléaire, c’est déjà ne plus produire de déchets.
Stop à la bulle nucléaire
Endetté à 41 milliards d’euros, EDF doit verser 34 milliards de surcoûts pour les chantiers EPR en Angleterre et à Flamanville, plus 100 milliards du « grand carénage »1. Et devrait encore financer les six EPR (47 milliards), supporter les coûts de Cigéo (estimés à plus de 100 milliards, mais limités par la loi à 25) plus les frais d’exploitation sur 300 ans ! Le gouvernement inquiet a demandé une réestimation avant 2022 et cherche à démanteler EDF pour privatiser les énergies rentables en socialisant les pertes du nucléaire (projet Hercule). Pour les fonds publics déjà siphonnés par le « quoi qu’il en coûte », cette bulle nucléaire est explosive. Et surtout, elle aggrave la dette écologique et sanitaire, un risque incontrôlable sur des générations. Pour éviter une catastrophe nucléaire, sociale, humanitaire, la seule voie réaliste pour construire un avenir serein pour l’humanité dans une société débarrassée du capitalisme, écologiquement responsable et émancipée, c’est l’arrêt du nucléaire.
- 1. Chiffre de la Cour des comptes.