Avec 17 ans de construction au lieu de 5 et un coût passé de 3 à 20 milliards1, l’EPR est un énorme fiasco, que les adorateurs du nucléaire tentent désormais d’effacer à grands renforts de propagande médiatique. Les nombreuses turpitudes de ce projet ont régulièrement alimenté ces colonnes2 : anomalies du système de pilotage de la réaction nucléaire, malfaçons dans la construction du génie civil, défauts de soudures, non-conformités d’organes essentiels du réacteur, fragilité des assemblages de combustibles... Tant que l’EPR n’est pas en service, il est encore temps d’empêcher l’exposition des opérateurs sur site et d’alerter sur les risques que ces anomalies font courir aux populations. Car le nucléaire « à marche forcée » au nom du profit des entreprises capitalistes de la filière se fait d’abord au mépris des humains et de la planète. Pour aller « plus vite, plus fort », Macron dicte sa loi : éliminer les obstacles sans résoudre les problèmes. En chef de guerre du conseil de politique nucléaire, faisant fi des doutes de l’ASN et de l’avis de nombreux scientifiques, il a supprimé l’IRSN (le contrôleur technique) au mépris de l’énorme mobilisation du personnel3. En janvier 2025, l’IRSN sera absorbé par l’ASNR (dirigée par cinq commissaires à sa botte), décision qu’il a fait avaliser au Parlement avec le soutien du RN et des Républicains. Plus de nucléaire, avec moins de contrôle et plus d’opacité, donc encore plus de risques.
L’EPR, un réacteur sûr ?
Bâclée en trois semaines en avril, la consultation publique sur la mise en service de l’EPR de Flamanville a quand même recueilli 200 avis motivés soulignant les risques liés à la cuve et à son couvercle défectueux. Cette énorme marmite d’acier (425 tonnes, 7 m de diamètre et 11 m de haut) contient le cœur du réacteur. Entre 2005 et 2013, les dossiers de contrôle de fabrication ont été falsifiés pour masquer des non-conformités : la cuve a été mal forgée et des impuretés de carbone menacent de fragiliser l’acier au fil du temps. Défauts connus d’EDF dès 2007. Mais en 2014, malgré les risques avérés, la cuve non conforme a été installée dans l’enceinte du réacteur. En autorisant le chargement du cœur dans une cuve défectueuse, l’ASN a accepté de déroger aux normes qu’elle a elle-même édictées. Les énergies en jeu et les chocs thermiques sont tels que, pour garantir une résistance suffisante de la cuve, des marges de sécurité de conception mais aussi de qualité de fabrication auraient dû être prises. Ce principe appelé « exclusion de rupture » n’est pas respecté pour l’EPR de Flamanville, réacteur dit de troisième génération. C’est particulièrement grave car la cuve confine la réaction nucléaire. C’est la dernière barrière efficace pour éviter la dispersion de la radioactivité dans l’environnement, en fonctionnement « normal » et a fortiori en cas d’accident. La cuve, équipement non remplaçable, restera en place… avec une fiabilité moindre que celle des réacteurs de première génération. Quant au couvercle, l’ASN a autorisé son remplacement après un premier cycle de fonctionnement, 2026 au mieux : une opération dangereuse pour les travailleurEs, car il sera alors très irradié et viendra grossir les montagnes de déchets radioactifs. Pourtant, le nouveau couvercle, conforme celui-là et non radioactif, sera livré sur site dans quelques semaines. Pour Macron, la santé des opérateurs pèse moins lourd que la relance fébrile du business nucléaire.
L’EPR, un réacteur puissant ?
Ce n’est pas tout. En 2021, le démarrage du premier EPR en Chine a révélé un défaut de conception de la cuve, la même que celle de Flamanville, fabriquée à l’usine Framatome du Creusot. L’eau circulant dans la cuve entraîne des vibrations qui endommagent les assemblages de combustible, provoquant des fuites radioactives. L’EPR chinois a dû être arrêté pendant plus d’un an. Selon les règles d’opacité et d’omerta propres au nucléaire, ce contentieux a dû faire partie des discussions avec Xi Jinping, invité par Macron du 5 au 7 mai dernier. Même si les assemblages ont été renforcés par la suite, l’origine des vibrations n’a pas disparu pour autant et on devra peut-être les remplacer plus souvent. Il n’est pas non plus acquis, compte tenu des fragilités de la cuve et du couvercle, que l’EPR de Flamanville puisse fonctionner à 100 % de sa puissance… Atteint de sénilité précoce, sa durée de vie atteindra-t-elle les 60 à 100 ans promis ? Au final, la production annuelle de ce réacteur de 1 650 MW pourrait bien être celle d’un réacteur première génération de 900 MW. Quant aux 14 EPR2 « optimisés », ils sont encore dans les cartons…