Publié le Samedi 4 juin 2022 à 20h00.

Face au réchauffement climatique: que faire ?

La gravité des évènements climatiques extrêmes actuels et la lourdeur des menaces qui pèsent sur l’avenir sont telles qu’elles pourraient conduire à la sidération et au renoncement. Elles peuvent aussi conduire à se contenter de répéter qu’il faut en finir avec le capitalisme et faire la révolution, ce qui est vrai mais insuffisant pour convaincre.

On ne peut pas se contenter d’aménager, de verdir le système. Les mesures à prendre doivent être radicales et rapides. Elles doivent prendre en compte la nécessité, pour réduire drastiquement l’usage des énergies fossiles et sortir du nucléaire, de réduire la production matérielle globale, donc la consommation globale et les transports. Ces mesures doivent répondre en même temps à l’urgence sociale et à l’urgence climatique, permettre de vivre mieux, de mener une vie bonne tout en réduisant les émissions et les impacts sur les écosystèmes. Pour cela, elles doivent faire payer les riches et les capitalistes pour réparer la société, la nature et la relation entre la société et la nature.

« Les riches détruisent le climat »…1

L’intensité carbone du mode de vie des riches est de loin supérieure à celle du mode de vie des classes populaires. Des mesures immédiates peuvent cibler leur surconsommation de luxe. On peut mettre fin à l’indécence que constituent par exemple les jets privés, les super-yachts ou le tourisme spatial… qui, il est vrai, concernent une infime minorité, mais sont à la fois très symboliques et très destructeurs.

1 % de la population mondiale est à elle seule responsable de la moitié des émissions de l’aviation. En France, les émissions du secteur aérien ont augmenté de 71 % entre 1990 et 2018, 15 % des Français n’ont jamais pris l’avion. On peut associer deux mesures simples et efficaces : aucun vol si le train peut assurer le déplacement et si la distance est inférieure à 1 000 km et instauration de quotas pour les voyages en avion, quotas au-delà desquels ils seraient tout simplement interdits.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, le marché automobile de luxe pour les véhicules tout-terrain de loisir est à l’origine de la plus forte hausse des émissions de CO2 entre 2010 et 2018 après le secteur de l’énergie. Un tiers des véhicules neufs vendus dans l’UE sont ces SUV. Leur fabrication doit être purement et simplement stoppée.

À celles et ceux qui s’effraient de ces mesures d’interdiction ou de restriction, nous répondons qu’elles sont infiniment plus justes et plus efficaces que les taxes qui, tout en appauvrissant une grande partie de la population, laissent les plus riches et les plus pollueurs s’offrir le droit de polluer.

La justice sociale est bonne pour le climat

Un euro dans la poche des 1 % les plus riches émet trente fois plus de CO2 qu’un euro dans la poche des 50 % les plus pauvres, il faut donc à la fois l’augmentation du SMIC, l’extension de la protection sociale et l’instauration d’un salaire maximum. Avec une forte progressivité de l’impôt, l’abolition du secret bancaire, la mise en place d’un cadastre des fortunes, la suppression des paradis fiscaux, l’imposition des gros patrimoines, la taxation des transactions financières, etc., la justice fiscale permet de faire coup double :

1) prendre aux plus riches — qui font un très mauvais usage de leur fortune tant pour leur consommation que pour leurs investissements ;

2) financer le secteur public, socialisé, dans lequel la logique du commun permet la gratuité pour les besoins de base, le contrôle, les choix politiques démocratiques en fonction des besoins sociaux et écologiques et non des profits.

Pour vivre mieux, il est aussi impératif de reconnaître et valoriser le travail de santé, d’éducation, de prise en charge des personnes âgées et/ou dépendantes, d’accueil de la petite enfance, de restauration des écosystèmes, autant d’activités indispensables à la vie et peu émettrices, mais aujourd’hui invisibilisées et dévalorisées par le capitalisme patriarcal.

Produire moins c’est travailler moins et vivre mieux, pour cela la lutte antiproductiviste pour la réduction collective radicale du temps de travail (réduction du temps de travail hebdomadaire, abaissement de l’âge de la retraite), sans perte de salaire ni dégradation des conditions de travail, est décisive.

Ces mesures doivent s’accompagner de la transformation radicale de tous les grands secteurs. La mise en route des immenses chantiers de reconversion doit avoir comme préalable absolu la continuité du salaire des ­salariéEs des secteurs concernés.

Transports

L’urgente et massive diminution de la production matérielle globale s’accompagnera d’une réduction en proportion des marchandises transportées. Cette réduction peut être même plus importante : les critères de production du capitalisme mondialisé doivent pour cela être battus en brèche. Il devient impératif de sortir de l’hyper-mobilité motorisée : la voiture individuelle perdra sa place centrale dans la mobilité des personnes avec la priorité donnée aux transports collectifs gratuits. Le vélo pourra jouer un rôle non négligeable et la marche retrouver sa place. Hors des villes, tout doit être revu avec les populations : services publics et nouveaux usages de la voiture seront au centre.

Agriculture et alimentation

L’agriculture industrielle est une impasse. L’usage massif des pesticides a provoqué une perte immense en biodiversité et a porté atteinte à notre santé. L’agro-business fournit une alimentation de qualité médiocre. Ce secteur est responsable de 20 % des émissions de GES en France. Une révolution agro­alimentaire s’impose d’urgence : le basculement vers une agriculture paysanne, sans chimie et moins mécanisée, vers une production 100 % bio, vers une réduction importante de la consommation de viande aussi. Cette mutation aura besoin de beaucoup de monde, de financements pérennes importants. Pour la réussite macro-économique de ce chantier, le débat s’ouvre sur une « Sécurité sociale de ­l’alimentation / régime général ».

Logement/urbanisme/artificialisation des terres

De nombreuses familles sont mal logées. Les loyers sont chers. Des millions de logements sont inoccupés. Une grande partie des logements sont des passoires thermiques. On habite loin de son lieu de travail : en 1960, à 3 km, à 15 km aujourd’hui. Les villes s’étendent toujours plus loin avec les zones commerciales qui vont avec. Et entre elles, les routes et autoroutes, les voies de contournement font reculer la terre, coupent des forêts. 55 projets routiers sont contestés par des luttes citoyennes. Ces « projets inutiles et imposés » coûtent très cher (15 milliards d’euros), rapportent gros à Vinci et consorts et sont eux-mêmes un nouveau problème : ils sont une immense dépense d’énergie, un formidable « aspirateur à voitures ».

  • 1. Formule d’Hervé Kempf