Enrayer la crise de biodiversité suppose de sortir de la démagogie électorale et de s’affronter aux intérêts d’une minorité privilégiée.
Quatre propositions concrètes
- Stopper l’artificialisation du territoire. Actuellement 9 % du territoire métropolitain est artificialisé. Il ne faut pas dépasser 10 %. Pour cela, il sera nécessaire de s’assurer la maîtrise foncière publique des sols et de modifier les lois pour contraindre toute nouvelle construction à être en cohérence avec l’objectif.
- Transformer la gestion de la forêt. La forêt en France métropolitaine, c’est 31 % du territoire. Elle est essentiellement privée (75 %), avec 3,8 millions de propriétaires, dont 200 000 possédant plus de 10 ha (représentant 68 % des surfaces). On ne pourra pas agir sans nationaliser ces grandes propriétés forestières. Cela n’impactera que 5 % des propriétaires forestiers, même moins si on fixe la barre à 20 ha ! On passerait ainsi de 25 % de forêt publique à 75 % (128 000 km²), soit une inversion des rapports, et ceci en n’impactant que 5 % des propriétaires… et pas les plus pauvres ! En fait la moitié sont des « personnes morales », c’est-à-dire des grandes entreprises… Avec une réelle gestion publique de la forêt, on pourra imposer la prise en compte de la biodiversité sur les domaines boisés.
On peut partir d’un projet induisant : 5 % de la forêt en réserve intégrale (on laisse la forêt vieillir, principe des zones en évolution libre). C’est l’équivalent de la superficie d’un département. Il faut en discuter avec les forestiers, les associations, les scientifiques, si on veut aller jusqu’à 10 %. En sachant que la notion d’« espaces en évolution libre » ne concerne pas que la forêt publique, mais que des accords peuvent être passés avec les petits propriétaires forestiers, que des secteurs des Réserves naturelles peuvent aussi être concernés ; 15 % en vieillissement long (+ 250 ans).
- Mettre en place une politique d’aires protégées en classant en urgence 10 % du territoire en protection forte.
Pour sauver la biodiversité, commençons par préserver, gérer avec des moyens financiers réels, les « réservoirs de biodiversité ». Là où celle-ci est exceptionnelle, où se concentrent les espèces menacées.
Passer à au moins 10 % du territoire en protection forte effective suppose de classer ces territoires en réserves naturelles (niveau le plus élevé de protection réglementaire). Avec l’arrêt des prélèvements de loisirs, donc de la chasse, dans ces réserves, une priorité effective à la préservation de la biodiversité, des moyens effectifs de gestion.
Une réserve naturelle n’empêche pas les activités humaines et singulièrement l’agropastoralisme. Au contraire, des agriculteurs peuvent être associés à la gestion d’une réserve. Ils doivent respecter la réglementation de la réserve et peuvent être rémunérés pour cela. Dans ces zones « réservoirs de biodiversité », les activités humaines passent derrière les impératifs de survie des espèces et des écosystèmes avec une gestion spécifique.
C’est faisable puisque l’inventaire est fait : 56 000 km² classés en ZNIEFF de type 1 (Zones d’intérêt écologique floristique et faunistique), soit justement 10 % du territoire. Ces zones sont reconnues légalement comme abritant les espèces dites « patrimoniales ». Elles sont cartographiées précisément et à disposition des citoyens (sur le site de l’IGN, Géoportail).
Si l’on ajoute les 71 000 km² du réseau Natura 2000, qui se recoupent en partie avec les ZNIEFF, soit 13 % du territoire et les sites acquis par le Conservatoire du littoral, on voit bien que l’on peut prendre les décisions… quand on veut !
Pour classer en protection forte, il faut instituer un système de DUP pour la nature (déclaration d’utilité publique) qui permettrait de s’assurer la maîtrise foncière. Atteinte à la propriété ? Bien sûr, c’est du reste comme cela que fait l’État pour faire passer une autoroute ou construire une centrale nucléaire, un centre d’enfouissement de déchets radioactifs, un aéroport…
- Limiter et contrôler fortement l’activité de la chasse.
Pas de chasse le week-end et pendant les vacances scolaires, période de chasse (y compris celle de régulation) strictement limitée à quatre mois (d’octobre à janvier), protection de toutes les espèces dont le statut de conservation est défavorable (liste établie uniquement par les scientifiques indépendants du monde cynégétique), protection des prédateurs, interdiction de l’agrainage et de la chasse à l’enclos et interdiction de la chasse dans toutes les zones sous protection réglementaire (réserves naturelles, parcs nationaux) : ces mesures permettraient de réduire l’impact de la chasse sur la biodiversité.
La mise en œuvre de ces mesures est nécessaire mais pas suffisante pour enrayer la crise de biodiversité.
Il faut agir aussi sur 100 % du territoire et pas seulement sur les 10 % des réservoirs de biodiversité. Donc, passer à 100 % d’agriculture bio et en finir avec l’élevage intensif.