Dans les 10 prochaines années, 42 des 58 réacteurs électronucléaires français vont dépasser les 30 ans, c’est-à-dire la durée pour laquelle ils avaient été techniquement conçus...
Selon EDF, qui veut prolonger leur durée de vie à 60 ans, aucun problème : les centrales seraient presque plus neuves aujourd’hui qu’à l’origine, les composants étant prétendument remplacés au fur et à mesure ! Mais c’est loin d’être le cas pour toutes les pièces.
Des composants vieillissants et irremplaçables
Par exemple, au Tricastin en 2013, un joint d’origine, irremplaçable et devenu poreux avec le temps, a entraîné une contamination en tritium des eaux souterraines de la centrale. Encore plus problématique : le réacteur n°5 du Bugey, arrêté depuis l’été 2015 à cause d’un taux de fuite de l’enceinte de confinement en augmentation depuis plusieurs années. Cette enceinte est censée limiter les rejets radioactifs en cas d’accident majeur. Pour le moment, personne ne sait comment colmater la fuite due à la corrosion du revêtement d’étanchéité interne de l’enceinte. Enfin, les cuves des réacteurs, pièces maîtresses des centrales soumises à rude épreuve, sont impossibles à remplacer.
Des documents falsifiés
Si le vieillissement affecte des composants initialement en bon état, que dire des 400 pièces pour lesquelles Areva est soupçonnée d’avoir falsifié les documents de conformité ? Selon Greenpeace (en juin 2016), plus de la moitié « sont des pièces de gros équipements essentiels au fonctionnement des réacteurs : des éléments de la cuve, qui renferme le combustible nucléaire, de son couvercle, du pressuriseur qui maintient le circuit primaire sous pression, des viroles et calottes de générateurs de vapeur qui évacuent sa chaleur vers le circuit secondaire, etc. ». Selon le journal les Échos, la suspicion pèse sur 18 réacteurs, et notamment sur le réacteur n°2 de Fessenheim, arrêté depuis juin dernier pour cette raison.
Des éléments mal entretenus et dans un état préoccupant
C’est le cas des groupes électrogènes de secours dont le Journal de l’énergie révélait en mars 2016 qu’aucun n’est dans un état correct (44 % en état dégradé et 13 % en état inacceptable) d’après un bilan fait par EDF en 2014. C’est le non-démarrage de ces mêmes diesel de secours qui a conduit à la catastrophe de Fukushima.
Le gouffre du grand carénage
Enfin, pour rendre le parc exploitable au-delà de 30 ans, EDF s’est lancé dans un chantier titanesque, le « grand carénage » dont le coût est évalué à 100 milliards d’euros selon la Cour des comptes.
Dans ce cadre, à Paluel, un générateur de vapeur est tombé en mars dernier. Dans sa chute, cet élément de 465 tonnes et 22 mètres de long a endommagé la dalle de béton et la piscine de combustible du réacteur n°2. On ne sait pas si ce réacteur redémarrera un jour. Au-delà de ce cas spectaculaire, les générateurs de vapeur sont l’un des maillons faibles du dispositif. Au fil du temps, certaines tuyauteries se colmatent, et des parties sont fragilisées par les vibrations. Ainsi, en 2015, EDF a détecté au bout de plusieurs mois un corps étranger à la base d’un générateur de vapeur du réacteur n°3 de la centrale de Cruas, ce qui a usé un tube à 75 % ! La catastrophe était proche : une rupture aurait entraîné des rejets radioactifs.
Ces quelques exemples montrent que le parc nucléaire actuel comporte donc des risques du fait de composants vieillissants qui ne peuvent être remplacés, mais également de composants censés être entretenus et qui ne le sont pas suffisamment. Par ailleurs, le programme même de rénovation comporte des risques. Désormais, les autorités considèrent qu’un accident est possible, et nous y « préparent » en augmentant les seuils de contamination et en proposant de « restaurer une liberté individuelle vis-à-vis du risque radiologique ». Il est vraiment urgent d’arrêter le nucléaire !