La sécurité des vols est de façon officielle le mantra des compagnies aériennes, qui communique énormément en interne et en externe sur le sujet. Mais quelle est la réalité ?
Les dernières années ont été marquées en France et ailleurs par de nouvelles vagues d’attentats. Le transport aérien est une cible privilégiée. Avions et aéroports permettent en effet des attentats de masse, spectaculaires, et identifiant les cibles : capitales d’État ou compagnies aériennes qui, bien que privatisées, sont encore associées à un État.
Ainsi, entre octobre 2015 et juin 2016, on a assisté au crash de l’Airbus 321-200 de la compagnie russe Metrojet et aux attentats des aéroports de Bruxelles et d’Istanbul. Cela sans compter l’attaque de l’hôtel Radisson de Bamako qui a tué six employéEs de la compagnie cargo Volga-Dnepr Airlines et dont l’équipage d’Air France semblait être une cible.
Sûreté ou répression ?
Des mesures exceptionnelles ont été prises après les attentats de Paris. Elles n’auront tenu qu’un week-end... Les contrôles généraient trop de file d’attente et de retard : la rentabilité du secteur passe avant tout ! Ces mesures sécuritaires répondaient en partie à une vraie crainte qui s’exprime chez les salariéEs du transport aérien en aéroport ou en vol. À part quelques effets d’annonces, les mesures de sécurité n’ont pas changé. Le vrai besoin est la fin de la précarité et la mise en place d’équipes pérennes qui permettent, en renforçant le lien entre collègues, de sécuriser l’environnement de travail. De la même façon, le tout-automatique, qui tue le lien entre collègues mais aussi entre salariéEs de l’aérien et passagerEs, est tout le contraire du renforcement de la sûreté.
Après le 11 septembre 2001, la sûreté aéroportuaire s’était déjà fortement renforcée avec la mise en place de badges aéroportuaires pour les salariéEs. C’est le sésame nécessaire pour travailler dans certains secteurs : sous douane, en piste ou dans l’avion. Ces badges sont délivrés à discrétion de la préfecture de police après enquête, sans qu’elle ait à justifier ses refus. Cela permet un vrai chantage sur les salariéEs. Lors d’un renouvellement de badges, des syndicalistes ou salariéEs trop barbus voient ainsi les enquêtes les concernant se prolonger pendant des semaines. Cela les laisse au chômage technique et sans ressources, alors qu’à la demande d’une entreprise ayant besoin de main-d’œuvre, la préfecture arrive à délivrer des badges en quelques jours.
Sécurité ou rentabilité ?
Au-delà des risques liés aux attentats, la sécurité des vols dépend aussi des conditions d’entretien des avions et de travail des navigantEs. Car si le transport aérien a historiquement évolué pour devenir un des modes de transport les plus sûrs, le moindre incident peut avoir de graves conséquences. Cette évolution s’est faite via des progrès techniques mais aussi via la mise en place de savoir-faire et de contrôles rigoureux dans les différentes phases de vie de l’avion et dans les différentes phases de vol. Mais aujourd’hui, ces savoir-faire accumulés et cette rigueur sont remis en cause par une logique rentable et financière.
Cela se traduit dans la maintenance, notamment par une cascade de sous-traitance, chaque niveau coûtant moins cher que le précédent, avec des conditions de travail qui vont en se dégradant. Comment croire qu’un salariéE sous-payé et sous pression aura les moyens nécessaires au bon contrôle d’un équipement ? Sans compter qu’aujourd’hui la maintenance se délocalise dans des pays au moins-disant social. Les salariéEs concernés n’ont ni la formation ni les conditions de travail nécessaires à la bonne réalisation de leur tâche. Et bien souvent dans leur pays, la démocratie et les libertés syndicales inexistantes ne leur permettent pas de s’organiser.
Il en va de la maintenance comme de l’assistance en piste, systématiquement sous-traitées. Le changement de discours des pilotes concernant les salariéEs du sol, commençant à prendre en compte une partie de leurs revendications, s’expliquent aussi pour cela. Après tout, ils sont en première ligne dans les avions !
La sécurité d’un vol passe aussi par la santé et les conditions de travail de son équipage. Le pilote du Boeing 737-800 de FlyDubai qui est décédé dans le crash de son appareil le 19 mars aurait enchaîné 11 jours de vols avec un seul jour de congé avant l’accident. Quant au pilote de Germanwings qui a délibérément crashé son avion dans les Alpes, c’est sa santé mentale qui est mise en cause. L’augmentation des heures de vols des pilotes et des hôtesses ou le recul de l’âge à la retraite ont des conséquences sur la fatigue et la santé des équipages. Mais en cas de problème, ce sont leurs réflexes qui permettent de rétablir la situation.
S’assurer des bonnes conditions de travail des salariéEs de l’aérien, c’est s’assurer de la sécurité des passagers. Pourtant, toutes les compagnies recherchent des économies qui se font systématiquement sur le dos des salariéEs. Et cela aura forcément des conséquences.
Mat