Toute société a besoin d’énergie pour fonctionner : pour tous les gestes de la vie quotidienne, pour les conditions et les possibilités du travail… C’est une des bases matérielles de notre existence, de nos luttes. Indispensable, sa production depuis la révolution industrielle est en grande partie responsable du changement climatique : une contradiction sans issue tant que l’énergie est soumise à la loi du profit.
Avec le vote du Parlement européen le 8 juin dernier prévoyant l’interdiction de la vente de véhicules thermiques en 2035, même si les décisions sont encore susceptibles d’ajustement, un pas vient d’être franchi. Les incertitudes encore en suspens tiennent au calendrier précis et à l’extension de l’interdiction aux techniques dites hybrides qui cumulent dans un même véhicule moteurs thermique et électrique.
Sauver la voiture individuelle
La nocivité des moteurs essence et diesel est reconnue, mais leur remplacement par des moteurs électriques ne règle pas la question des conséquences sur le changement climatique des transports tels qu’ils se développent à l’échelle de la planète. Rappelons que, sur toute leur durée de vie, de l’extraction des matières premières nécessaires à leur fabrication jusqu’aux ressources utilisées pour les faire rouler et enfin au traitement non résolu des déchets, l’avantage des voitures électriques comparées aux moteurs thermiques n’est pas décisif. Ce simple remplacement préserve la voiture individuelle, quelles qu’en soient les conséquences pour le climat et l’environnement.
La moitié des voitures vendues cette année, dont la très grande majorité est à moteur thermique, sera en encore en circulation en 2035. C’est bien cela qui compte pour évaluer en réel les émissions polluantes. Le vieillissement des voitures en circulation déjà à l’œuvre va encore s’accentuer vu que, pour la majorité de la population, le prix des voitures électriques est dissuasif. Les subventions à l’achat n’arrosent en effet que les plus riches.
Les 2 000 euros de bonus supplémentaires annoncés par Macron pour des voitures d’un prix moyen supérieur à 30 000 euros n’y changent rien.
Face à une transformation de cette ampleur, les firmes capitalistes n’aiment pas les incertitudes liées notamment au nombre des futurs acheteurs. Oubliées les prétendues vertus de la libre confrontation du marché entre offre et demande, une interdiction générale offre plus de visibilité pour les grandes firmes de l’automobile. La Plateforme automobile (PFA), qui regroupe en France constructeurs et équipementiers, le reconnaît et ne s’opposera pas à cette évolution. Mais Carlos Tavares, avec Stellantis, continue de protester.
150 000 emplois menacés en France
Les firmes automobiles, loin d’une conversion à l’écologie, saisissent ce moment comme un moyen de se créer de nouveaux débouchés, de casser-renouveler leurs outils de production et de passer à l’offensive contre la force de travail.
La PFA évalue à 150 000 le nombre des emplois menacés en France dans l’ensemble de la filière, soit 20 % des emplois. Renault voulant se diviser en deux entités, l’une dédiée à l’électrique et l’autre, basée en Espagne et en Roumanie, au moteur thermique, la firme souhaite casser ce qui reste des conventions collectives et accords d’entreprise gagnés par les luttes de générations de salariéEs.
Réduire le temps de travail, ce serait possible
À changement de grande ampleur, revendications à la hauteur : exiger le maintien de tous les emplois, des formations reconversions sur place et le maintien de tous les droits acquis. La réduction du temps de travail pour toutes et tous s’impose d’autant plus que la fabrication d’un moteur électrique nécessite moins de quantité de travail qu’un moteur thermique.
Du point de vue des conséquences pour le climat, les changements en cours ont peu d’efficacité : c’est, comme on dit, du « greenwashing ». Mais pour la filière automobile, c’est plus que cosmétique car cela entraîne des suppressions massives d’emplois et des attaques en règle contre les droits acquis des salariéEs. Si l’interdiction des voitures thermiques reconnaît enfin leur nocivité, à laisser faire les firmes automobiles et gouvernements européens, rien de sérieux pour le climat mais du très concret dans les offensives contre les salariéEs.