Publié le Mardi 7 novembre 2023 à 09h00.

Combattre la transmisogynie

Les femmes trans ne sont pas épargnées par les violences sexistes et patriarcales. Le rapport 2023 de SOS Homophobie montre ainsi que l’explosion des actes transphobes en France touche dans la majorité des cas les femmes trans1.

Les femmes trans  représentent également 95 % des personnes trans assassinées à travers le monde en 20222. Les femmes trans sont surreprésentées dans les noms cités au TDoR (Journée du Souvenir Trans, journée internationale commémorative des personnes trans décédées par meurtre ou assassinat qui a lieu tous les 20 novembre).

Celles-ci, le plus souvent racisées et travailleuses du sexe, sont beaucoup plus vulnérables, en raison d’un marché du travail discriminant et d’une politique anti-immigration. Vues comme une catégorie de personnes vulnérables, elles sont peu humanisées dans la vie courante ou dans les journaux à leur décès. Une étude américaine de 2015 avait indiqué que les femmes trans voyaient leur salaire diminuer de 31 % après leur transition3. Mais ce n’est qu’une partie de ce qu’on appelle la transmisogynie, c’est-à-dire l’oppression spécifique vécue par les femmes trans, en tant que femmes, personnes trans et femmes trans.

Pathologisées

Les personnes trans, par leur parcours de transition, remettent en question l’idéologie patriarcale qui se fonde sur un caractère prétendument naturel, immuable et inaltérable des catégories de sexe, et qui sert à justifier la domination des femmes par les hommes.

Les personnes trans et en particulier les femmes sont réprimées pour cela. Les personnes trans sont pathologisées. Ce n’est qu’en 2019 que l’OMS a retiré la transidentité des maladies mentales. Les femmes trans, comme les personnes trans en général, doivent justifier de «  ne pas être néE dans le bon corps », que cela leur provoque de grandes souffrances et que la seule solution possible est la transition.

Les médecins, en particulier les psychiatres, demandent aux femmes trans de montrer qu’elles sont vraiment des femmes, leur imposent de coller aux stéréotypes de genre. Il est ainsi préférable si l’on veut transitionner d’être hétérosexuelle dans le sexe dit «  d’arrivée ». Certains médecins refusaient de croire des femmes trans au sujet de leur transidentité parce qu’elles ne mettaient pas tous les jours une jupe et du maquillage.

De même, pour changer de sexe à l’état civil, les personnes trans doivent passer devant un juge. Les femmes trans doivent justifier d’être des vraies femmes, sans que cela signifie réellement quoi que ce soit. Elles doivent manifester une féminité cliché qui ne soit pas jugée contraire aux mœurs hétérosexuelles et patriarcales. De plus, jusqu’en 2016, les femmes trans devaient être stérilisées pour changer de sexe. Les médecins et les juges sont les acteurs d’un gatekeeping (filtrage) normatif. Ils définissent ce que doit être une femme et obligent les femmes trans à coller à ce modèle.

Les femmes trans sont contraintes d’adopter cette rhétorique essentialiste et de se plier à ces injonctions. Elles sont alors accusées de renforcer les stéréotypes de genre et le patriarcat alors que c’est parfois une obligation si elles veulent transitionner.

Plusieurs parallèles peuvent être tirés entre homophobie et transphobie. La transidentité, comme l’homosexualité avant elle, est avant tout vu comme une souffrance psychologique qui doit être soigné. Elle est à la fois décrite comme un effet de contagion sociale, de mode chez les jeunes qui ne sont pas vraiment trans ou homosexuelles/lesbiennes, qu’il faut alors remettre sur le droit chemin, et comme une maladie qui toucherait un nombre très restreint d’individus. De même que certains assuraient qu’il était possible de soigner l’homosexualité, il serait possible de soigner la transidentité des personnes trans et a fortiori des personnes qui ne le sont pas réellement, car c’est un effet de mode. En outre, les transitions n’aideraient en rien à soulager la dysphorie de genre des personnes trans. Ces croyances sont toujours erronées, les nombreuses expériences infructueuses des médecins peuvent en témoigner.

Un danger pour les « vraies femmes »

Les femmes trans sont présentées comme un danger, pour les autres femmes, pour les enfants, pour les hommes, pour la société entière.

Lorsque Laurel Hubbard fut la première athlète trans à participer aux JO de 2021 à Tokyo, de nombreuses personnes expliquaient que cela était injuste, qu’elle avait un avantage naturel. Les femmes trans domineraient le sport féminin. Laurel Hubbard n’a pourtant gagné aucune médaille. De fait, aucune femme trans n’a jamais obtenu la moindre médaille aux JO. Les mêmes personnes lui ont ensuite reproché d’avoir pris la place d’une «  vraie » femme.

Julien Odoul, député du Rassemblement national (RN), a écrit un communiqué de presse, expliquant que laisser des femmes trans participer aux JO de Paris ferait «  reculer les progrès faits en matière de sport féminin » et a expliqué que «  la Commission européenne se plie aux dérives wokistes et aux revendications transidentitaires ».

Rappelons que le sport féminin est un domaine qui n’a jamais intéressé auparavant le RN et qui subit avant tout un sous-financement par rapport au sport masculin, sans compter les nombreux cas d’agressions sexuelles dont sont victimes les sportives par leur coach masculin.

Le sport n’est qu’un exemple parmi d’autres des nombreuses paniques morales liées aux personnes trans. L’intérêt ici n’est pas le sport féminin, mais d’expliquer en quoi les femmes trans seraient une menace pour les autres, ici les femmes cis.

Ces autres ne sont pas toujours des femmes cis.

Les femmes trans pervertiraient les enfants par leur simple existence, comme les hommes homosexuels le faisaient avant elles.

Le contexte actuel s’accompagne d’une montée de la transphobie et d’une surmédiatisation des questions trans, principalement dans les médias conservateurs et réactionnaires. Cela participe à créer des paniques morales sur le sujet.

Dans plusieurs pays dans le monde, les droits des personnes trans sont attaqués. Ces attaques s’accompagnent plus largement d’offensives contre le droit à disposer librement de son corps, que ce soit la PMA, la contraception, l’avortement, la sexualité, les transitions. L’exemple le plus frappant à ce sujet est celui des États-Unis où plusieurs États ont tenté, voire réussi, à interdire l’avortement et les transitions.

D’où l’importance de lutter ensemble, les droits des femmes et des personnes LGBTI avancent et surtout reculent conjointement. Ce sont bien les mêmes, qui aux États-Unis veulent restreindre l’avortement, et ont fait passer plusieurs lois transphobes. Dans cette idée de convergence, on peut citer la Tribune «  Feministas por los derechos trans4 en Espagne ou la «  Tribune Toutes des Femmes »5 en France qui expliquait que  «  le débat sur la place des femmes trans n’a pas lieu d’être ».

Avortement, PMA, Transition : mon corps, mon choix !