Après un débat houleux qui a vu une partie de la droite et de l’extrême droite se déchaîner, le Sénat a fait un pas vers l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution.
La plus conservatrice des deux chambres vient, le 1er février 2023, par 166 voix contre 152, de se prononcer pour que soit inséré « la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse » à l’article 34 de la Constitution.
Cette petite majorité a été obtenue grâce aux voix de la gauche, des macronistes, d’une partie du groupe centriste et de quinze voix des LR sur la base d’un amendement de dernière minute proposé par le sénateur de la Manche Philippe Bas (LR), ancien collaborateur de Simone Veil : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ».
Un long chemin législatif
À ce stade, l’inscription dans la Constitution n’est pas acquise. Le chemin est encore long… et le Sénat est en recul par rapport à l’Assemblée où le 24 novembre dernier, une large majorité — 337 voix pour, 32 voix contre et 18 abstentions — avait adopté la proposition de Mathilde Panot (LFI) pour l’article 66 de la Constitution : « la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Un texte rédigé en termes bien plus clairs et précis.
Ce débat entre Assemblée et Sénat a un arrière-goût de déjà-vu. Il y a presque 50 ans, lors du vote de la loi Veil en 1974 qui a été un compromis, s’affirmait le droit à l’avortement mais un droit restreint et encadré par son article pénal qui, lui, n’était pas abrogé.
Pour que le droit à l’IVG soit inscrit dans la Constitution, il faut que les deux chambres adoptent le même texte, puis un référendum doit confirmer. Plus rapide serait le dépôt d’un projet de loi par le gouvernement. Il devrait alors être voté aux deux tiers des deux chambres réunies en Congrès.
Un droit restreint
Les associations féministes, réunies dans le Collectif « Avortement Europe, les femmes décident », n’ont pas manqué de dire leur inquiétude à propos de la formulation du Sénat « dans la mesure où en cas d’accession de l’extrême droite au pouvoir, une nouvelle loi pourrait tout à fait déterminer des "conditions" en régression, voire en totale contradiction, par rapport à la loi actuelle ».
Elles rappellent à E. Macron ses engagements après l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade de 1973 aux États-Unis, et lui demandent de soutenir un projet de loi pour la constitutionalisation du droit à l’avortement ainsi que pour l’inscription de ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Tout ceci nous montre, s’il en était besoin, que le droit des femmes à décider librement de leur maternité et à disposer de leur corps n’est jamais complètement acquis et que nous ne devons pas baisser la garde. Car les opposants eux ne désarment jamais.