Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht étaient des dirigeants socialistes qui, contrairement à la majorité des sociaux-démocrates, avaient refusé en 1914 le soutien à la guerre, et impulsé la construction de la Ligue Spartakus. Lorsque la révolution balaye le régime impérial en novembre 1918, ils cherchent à centraliser les conseils d’ouvriers et de soldats pour qu’ils prennent le pouvoir. Mais c’était sans compter sur la force de la bourgeoisie, de l’État et de la social-démocratie. Le socialiste Ebert (qui avait soutenu la guerre) est nommé chancelier d’un gouvernement provisoire. Et les sociaux-démocrates sont majoritaires au congrès des conseils d’ouvriers et de soldats allemands qui se tient entre le 16 et le 20 décembre (les spartakistes ont 10 délégués sur 489), qui se prononce pour l’élection de l’assemblée constituante le 19 janvier.
Cette défaite ne fait pas taire les centaines de milliers d’ouvriers et de soldats décidés à aller jusqu’au bout. Face à eux, le gouvernement crée dès la fin du mois de novembre les « Corps francs », force armée constituée autour d’officiers réactionnaires dont les membres sont mieux payés et nourris que l’armée régulière, avec une caisse alimentée par les gros propriétaires et les industriels1.
En même temps, il multiplie les provocations contre les partisans des conseils. La dernière d’entre elles, la mise à pied du préfet de police Eichhorn, provoque le 5 janvier une énorme manifestation de centaines de milliers d’ouvriers et de soldats armés. Un comité d’action révolutionnaire est constitué qui décide de renverser le gouvernement. Mais la révolution n’est pas assez forte, seulement 10 000 engagent le combat et le gouvernement n’est pas impuissant : les Corps francs sont plus nombreux et mieux armés. À partir du 10 janvier le socialiste Noske procède à la conquête et au ratissage de Berlin2. Des centaines de militantEs sont tabassés, voire assassinés. Karl et Rosa sont arrêtés le 15 janvier et abattus immédiatement.
C’est ainsi que disparaît Rosa Luxemburg, une des figures majeures du marxisme révolutionnaire de cette période, qui a écrit, notamment à propos de la Révolution russe, des textes majeurs sur la démocratie.
Patrick Le Moal