La vague révolutionnaire commencée en Russie en 1917 qui avait déferlé sur l’Europe à partir de 1918, est stoppée avec l’échec de la révolution allemande en octobre 1923.
Cet échec donne un répit à la bourgeoisie européenne. Le plan Dawes qui aménage des versements de l’Allemagne au titre des réparations de la guerre, tout en permettant au capitalisme allemand de se relever, redessine un arc opposé à l’Union soviétique. Tout cela dans un monde capitaliste en mutation : le glissement du centre de Londres vers Washington, la mise en mouvement des pays coloniaux et semi-coloniaux.
Il renforce également la bureaucratie montante en Union soviétique, autour de la troïka Zinoviev, Kamenev et Staline qui fait régner un régime de plus en plus autoritaire.
La bureaucratisation
Lénine, très malade depuis 1922, meurt en janvier 1924. Les dénonciations du « régime de dictature d’une fraction dans le parti » sont écartées, alors que s’engage une offensive contre ceux qui ne désespèrent pas de la révolution mondiale, dont les trotskistes, sous deux formes.
D’une part la bolchévisation, la reprise en main par la bureaucratie soviétique des directions des partis communistes, l’instauration d’une discipline stricte. En URSS, tous les opposants sont progressivement expulsés des fonctions dirigeantes.
D’autre part par la théorie du socialisme dans un seul pays. Les bolcheviks pensaient que la victoire définitive du socialisme dans un seul pays, surtout paysan comme la Russie, n’était pas possible sans victoire dans plusieurs pays avancés. Qu’en est-il dès lors que l’extension de la révolution socialiste est pour le moment fermée ?
Le socialisme dans un seul pays, contre la restauration du capitalisme
Dès 1924, Staline avance une autre vision de l’avenir : on peut construire le socialisme dans un seul pays, mais pour le protéger contre les interventions étrangères et contre la restauration du capitalisme, il faut des victoires ailleurs. C’est une réponse adaptée aux tendances bureaucratiques qui se développent dans l’appareil d’État et le parti bolchevik, sur fond de fatigue générale et de découragement des masses ouvrières. À partir de ce moment, la bureaucratie du Kremlin renonce à la révolution socialiste mondiale et soumet tous les développements de la lutte de classe à ses besoins.
Cette orientation a des conséquences majeures, comme lors de la grève générale en Grande-Bretagne où le maintien d’un comité contre l’intervention en URSS est plus important que la lutte contre la trahison de la direction syndicale.
Plus dramatiques encore dans la deuxième révolution chinoise en 1926 et 1927. L’unité du Kuomintang, cette organisation nationaliste bourgeoise anti-impérialiste soutenue par l’URSS, est percutée par la montée des luttes ouvrières qui pose le problème du contenu de classe de la libération nationale. En 1927, lors des insurrections de Shangai et Canton et le soulèvement de Wuhan, l’armée du Kuomintang massacre les ouvriers pour écraser la révolution en cours. On évalue à 38 000 le nombre de communistes physiquement liquidés.
C’est bien un tournant majeur du rôle de l’Internationale qui vient de se produire, l’instauration d’une politique consciente de la bureaucratie faisant dépendre les luttes révolutionnaires de son maintien au pouvoir.
Patrick Le Moal