La proposition sidérante de Macron, lors de sa rencontre avec Netanyahou, « d’élargir la mission de l’alliance contre Daesh à la lutte contre le terrorisme du Hamas » montrait une posture volontaire de soutien inconditionnel à Israël, au moment où la population de Gaza, dans un blocus total, comptait déjà des milliers de morts et de destructions.
Au nom de la guerre contre le Hamas, la question palestinienne n’est plus qu’une question de lutte contre le terrorisme. Macron s’aligne à 100 % sur le discours officiel du gouvernement de Netanyahou et des États-Unis. Il essaye aussi de jouer sur la présence militaire de la France qui dispose de 4 000 hommes au Moyen-Orient, dans le cadre de missions de l’ONU au Liban, de la coalition contre Daesh en Irak et en Syrie, en Jordanie ou dans le golfe d’Oman, avec également une base militaire aux Émirats arabes unis (EAU), et la base pérenne de Djibouti. Mais loin d’être une rupture, la posture de Macron est dans la continuité de la diplomatie française concernant le Moyen-Orient, introduite par Nicolas Sarkozy en 2012.
Du non-alignement aux accords d’Oslo
Pour la France, les positions concernant les droits des PalestinienEs à vivre sur leur terre ont toujours été un élément annexe des rapports avec Israël et les pays arabes qui sont les cibles de sa politique. Notamment l’Égypte, les EAU et l’Arabie saoudite, clients privilégiés des ventes d’armes, et l’ensemble des monarchies, terrain d’investissement des grands groupes capitalistes français.
Après la guerre des Six-Jours en 1967, De Gaulle exigeait le retour d’Israël dans les frontières de 1949. De Gaulle affirmait une position différente de la majorité des pays européens et des USA. Son but était de restaurer une image dégradée dans les pays arabes après la guerre d’Algérie. L’Égypte, la Syrie et l’Arabie saoudite étaient déjà les destinataires principaux de cette ouverture. En 1973, Michel Jobert, ministre des Affaires étrangères sous Pompidou, durant la guerre du Kippour et l’offensive militaire conjointe de la Syrie et de l’Égypte avait eu ces mots célèbres : « Est-ce que tenter de remettre les pieds chez soi constitue forcément une agression imprévue ? » Jacques Chirac en 1996, face à un Netanyahou qui relançait massivement les colonies, avait voulu réaffirmer la « politique arabe de la France », après la guerre du Liban, les massacres de Sabra et Chatila soutenus par Menahem Begin alors Premier ministre d’Israël, et la criminalisation de l’OLP.
Mais la fin de la bipolarisation USA-URSS allait modifier l’équilibre de forces au Moyen-Orient, avec la crise des courants nationalistes arabes et le rapprochement de l’ensemble des gouvernements arabes avec les USA, qui prirent un rôle prépondérant dans la région, non seulement vis-à-vis d’Israël et de l’Arabie saoudite, mais aussi de l’Égypte et des monarchies du Golfe, rôle accentué par la première guerre du Golfe en 1991. Le rôle diplomatique de la France devenait marginal.
Avec les accords d’Oslo, le retour aux frontières de 1947 ou même de 1949 était enterré, et un verrou sautait désormais qui devait servir de marchepied à l’étouffement des droits des PalestinienEs et à un système d’apartheid dans les territoires restant sous l’autorité militaire et internationale d’Israël. Après 1993, se sont essentiellement succédé en Israël des gouvernements du Likoud, dont la Charte se prononçait explicitement pour l’annexion totale de Gaza et de la Cisjordanie.
La question palestinienne n’est plus politique
Le tournant dans la politique des dirigeants français vis-à-vis d’Israël est aussi le résultat de ce changement dans les rapports de forces. La question palestinienne devient plus marginale, et sa défense n’est plus le passage obligé des relations avec les pays arabes. En 2008, Sarkozy entreprend une visite en Israël, dirigé une nouvelle fois par le Likoud et Netanyahou. Les dirigeants du Likoud reprenaient la marche vers la colonisation de la Cisjordanie. C’est ce moment-là que choisit Sarkozy pour manifester sa solidarité : « Israël n’est pas seul », « la France sera toujours à ses côtés quand son existence sera menacée ». C’est ce discours qui sera prolongé par François Hollande, à qui Macron emboîte aujourd’hui le pas.
La préoccupation des gouvernements français a toujours été d’essayer de soigner ses relations avec les monarchies du Golfe et les autres régimes arabes. La normalisation des relations d’Israël avec l’Égypte, la Jordanie et dernièrement les EAU et Bahreïn s’est faite sur le dos des revendications palestiniennes mais a aussi eu comme effet une diminution des contradictions de la bourgeoisie française voulant apparaître à la fois comme allié d’Israël et cultivant de solides relations avec les pays arabes. Dès lors, malgré le maintien de la position officielle « à deux États » version Oslo, la question palestinienne devient essentiellement une question humanitaire, n’est plus pour les dirigeants français une question politique, et la France accepte sans sourciller le massacre de la population de Gaza.