Publié le Dimanche 11 septembre 2022 à 20h00.

Royaume-Uni : la crise ne fait que commencer

La crise du coût de la vie va déterminer la politique pour les années à venir. Les prix des produits de première nécessité, comme la nourriture et l’énergie, montent en flèche sans qu’on puisse en voir la fin. La malnutrition se répand. La pauvreté au travail s’aggrave. Les banques alimentaires prolifèrent dans tout le pays. Après une décennie de stagnation des salaires, les travailleurEs sont plongés dans une crise encore plus profonde avec moins de ressources. Il s’agit de la plus forte baisse du niveau de vie au cours d’un seul exercice financier depuis que les registres de l’Office national des statistiques (ONS) ont commencé en 1956-1957.

En prévision de notre résistance à cette situation, les droits démocratiques ont été restreints et les syndicats ont été davantage entravés par le gouvernement conservateur. Les enjeux sont donc encore plus élevés. Ce qui se passera dans les mois et les années qui viennent donnera le ton de la résistance et des luttes anticapitalistes à venir. 

Des grèves sans précédent depuis les années 1980

Aujourd’hui, les entreprises se vantent de réaliser des bénéfices records, mais affirment qu’elles ne peuvent pas se permettre d’augmenter correctement les salaires. 

Malgré ces bénéfices énormes dans certains secteurs, l’économie elle-même est au point mort, avec une récession mondiale potentielle à l’horizon. Le cauchemar de la stagflation — une économie stagnante accompagnée d’une flambée des prix — est imminent. 

Mais nous nous battons. Les Tories n’ont pas le soutien de la population. Une majorité de Britanniques veulent la renationalisation de l’eau, une taxation progressive des riches, etc. Des organisations et des coalitions sont lancées. Des protestations ont été organisées et des grèves nationales sans précédent depuis les années 1980 ont lieu.

De plus en plus de syndicats sont obligés de prendre position, et des leaders syndicaux comme Mick Lynch sont devenus des noms familiers représentant la lutte des classes. La résistance porte sur les salaires mais aussi sur les prix à la consommation — des campagnes de non-paiement sont lancées et les médias libéraux sont en train d’en faire leurs choux gras. La réponse des « économistes responsables » est de supplier les travailleurEs de ne pas se battre pour des salaires plus élevés au cas où cela déclencherait une spirale inflationniste et aggraverait la crise. Nous rejetons totalement cet argument, nous ne devrions pas être ceux qui sacrifient nos vies et nos niveaux de vie pour maintenir le capitalisme en tant que système. 

Le Parti conservateur est en pleine mutation, blessé par l’éviction de Boris Johnson, mais maintenant avec une course à la direction caractérisée par un nivellement par le bas des deux candidats à la direction. Ils n’ont pas grand-chose de spécifique à dire sur la crise du coût de la vie, et leur foi dans le marché libre pour se redresser, en fin de compte, n’est pas simplement naïve ; elle s’avérera carrément fatale pour beaucoup. 

Certains disent que cela montre qu’ils sont scandaleusement déconnectés de la réalité. Peut-être. Mais ils croient aussi leurs propres mensonges sur les réductions d’impôts. L’économie de l’effondrement — démystifiée et rejetée par le grand public — est devenue l’orthodoxie standard d’une droite conservatrice n’ayant aucune idée politique autre que l’autoritarisme et les guerres culturelles.

Les Travaillistes entre le vide et une dangereuse complaisance

Pendant ce temps, les Travaillistes traînent les pieds, souvent dépassés sur leur gauche par les libéraux-démocrates qui sont beaucoup plus audacieux dans leurs appels à des actions contre les PDG des compagnies de l’eau et de l’énergie. La position des Travaillistes oscille entre le vide et une dangereuse complaisance. Lorsque Starmer propose enfin une politique sur les factures d’énergie, elle est si mièvre et inintéressante qu’elle n’aidera presque personne. Leurs échecs manifestes rappellent leur non-opposition à la Poll Tax dans les années 1980. 

La crise des prix de l’énergie est particulièrement aiguë. Elle représentera un transfert de milliards de dollars des salaires des travailleurEs vers les entreprises énergétiques monopolistiques. L’alternative proposée est de donner des milliards aux compagnies d’énergie pour subventionner leurs profits — de toute façon, les compagnies d’énergie sont protégées et leurs actionnaires sont heureux.

Et la crise du coût de la vie rejoint la crise environnementale. Nous entrons dans une phase avancée du capitalisme, de plus en plus définie par la dégradation de l’environnement : 200 ans de capitalisme se sont avérés être trop pour la Terre, et noussommes face au choix entre dépasser le capitalisme pour un système socio-économique plus harmonieux en équilibre avec les besoins des gens et de la planète ou se précipiter vers le désastre sous le culte de la mort du capitalisme.

Sortir d’une « crise diabolique »

L’inflation est aussi en partie due au changement climatique, c’est pourquoi il est peu probable qu’elle disparaisse d’ici quelques années. Nous sommes confrontés à ce qu’Andrew Sayer appelle une « crise diabolique » : on ne peut pas améliorer une chose sans aggraver un autre problème. Comment combattre la crise du coût de la vie sans exacerber la crise environnementale ? Les Travaillistes ignorent cette contradiction, ils se précipitent pour embrasser la crise diabolique. Ils affirment que la croissance économique est la seule réponse à une époque où beaucoup contestent le mantra de la croissance comme seule solution. Ceux qui cherchent des solutions des années 1970 dans les années 2020 sont condamnés à creuser leur propre tombe.

L’objectif socialiste est de soutenir les grèves, d’aider à construire des mouvements sociaux de masse et de proposer des revendications audacieuses qui passent de la défensive à l’offensive. En tant que tel, nous approuvons et soutenons activement les politiques suivantes :

– Augmentation immédiate du minimum vital (living wage) et de toutes les allocations publiques pour aider la classe ouvrière à faire face à la hausse des prix de la nourriture et des biens de consommation nécessaires, des loyers et des prix de l’énergie ;

– Contrôle des prix des biens de consommation, y compris la nourriture, fixé par des comités de travailleurEs et de consommateurEs ;

– Plafonnement des prix des loyers et indexation au niveau des loyers sociaux ;

– Réintroduction du plafond sur les factures d’énergie au niveau d’avril 2022 ;

– Fin des prix plus élevés pour celles et ceux qui ont des compteurs à prépaiement ;

– Mise des entreprises de l’énergie, de l’eau et des transports dans le giron public et les faire évoluer rapidement vers des sources d’énergie renouvelables ;

– Un impôt progressif sur la fortune des particuliers et une augmentation significative de l’impôt sur les sociétés. Les entreprises qui ne peuvent pas payer les salaires en fonction de l’inflation devraient être nationalisées et placées sous le contrôle des travailleurEs ; 

– Résistance face aux attaques contre nos libertés civiles, notre droit de manifester et les tentatives de museler nos syndicats ; lutter pour une charte des droits démocratiques et des droits des travailleurEs ;

– Pour des assemblées démocratiques des mouvements sociaux, des organisations socialistes et des syndicats afin de coordonner notre riposte.  

Nous soutenons activement les protestations et manifestations de masse, les campagnes d’action directe et toutes les grèves des travailleurEs autour des salaires. Nous soutenons toute action, y compris le non-paiement des factures d’énergie. Nous avons besoin de solidarité collective et de transformer notre crise sociale en une crise politique pour le Parti conservateur et les patrons.