Les enfants des travailleurEs se retrouvent en général dirigéEs vers les filières professionnelles, quand ils et elles ne sont tout simplement pas rejetéEs hors du système scolaire sans diplôme.
Après le collège, direction le CAP ou le bac pro. Les enfants d’ouvrierEs y sont quatre fois plus nombreux que les enfants de cadres. Après le lycée, ils rejoignent massivement les IUT ou les BTS que choisit un bachelier d’origine défavorisée sur deux contre un bachelier d’origine très favorisée sur trois.
Pas question d’apprendre à réfléchir
Ces filières se concentrent essentiellement sur les savoirs pratiques directement utiles pour travailler. En 2018, une réforme de l’enseignement professionnel supprimait nombre d’heures d’enseignements généraux dispensés dans les lycées pros (français, histoire-géographie, sciences, etc.) et lançait en même temps la « co-intervention », c’est-à-dire des cours animés par unE prof d’enseignement général et unE prof d’une matière pro avec l’objectif d’orienter le cours du premier en fonction des besoins de la formation pro. Apprendre les maths, oui, mais seulement pour que les bacs pros restauration apprennent à faire un plan de salle à l’échelle. Apprendre le français, oui, mais seulement pour que les CAP esthétique puissent vendre des séances d’UV à leurs clientEs. Vous croyez qu’on invente ? On a trouvé ces exemples sur le site du ministère ! Là encore, plus question d’apprendre à réfléchir sur le monde ou à exprimer son avis. Encore que, le manque de moyens retarde la mise en place de la co-intervention. Mais des moyens, il en faudrait pour augmenter le nombre d’heures consacrées aux savoirs généraux dans les filières pros !
Recrutement à bas coût
Cette obsession patronale de la professionnalisation se retrouve dans l’engouement pour l’apprentissage aux dépens de la voie scolaire (lycées pros). Dans les faits, le nombre d’apprentiEs a stagné jusqu’en 2020, année où il a augmenté de moitié, surtout porté par le développement des formations en apprentissage dans l’enseignement supérieur (rien que pour les BTS, c’est 40 % en plus). Pour les formations avant le bac en revanche, il y a une petite augmentation mais bien moins importante. Ce n’est pas faute d’efforts venant du gouvernement. Déjà la réforme de 2018 voulait mettre les maigres moyens des lycées pros au service du développement de l’apprentissage. Et plus récemment, son plan « 1 jeune 1 solution » distribuait des subventions massives aux patrons qui prenaient des apprentiEs durant la crise sanitaire : 5 000 euros pour unE apprentiE mineurE, 8 000 euros pour unE majeurE !
C’est que l’apprentissage, paraît-il, augmente les chances de trouver un emploi après la formation. Mais si c’est le cas, c’est parce que l’apprentissage donne aux patrons la possibilité de pré-sélectionner les travailleurEs qui leur conviennent le mieux… en ne payant quasiment rien ! L’apprentiE touche certes un salaire, mais d’une part il est inférieur au SMIC pour toutes celles et tous ceux qui ont moins de 25 ans et, d’autre part, les patrons d’apprenti touchent de volumineuses aides publiques, bien gonflées par la récente « aide Covid » du gouvernement. L’apprentissage n’est absolument pas une solution au chômage des jeunes, c’est une solution de recrutement à bas coût pour les patrons !
Du côté des candidatEs à la présidentielle
Pas étonnant, dans ce cas, que les patrons en raffolent. Le Medef veut augmenter le nombre d’apprentiEs et pérenniser les aides mises en place au moment du Covid. À droite et à l’extrême droite, on abonde. Pécresse et Zemmour veulent permettre l’apprentissage dès 14 ans : 15 ans, c’était encore trop vieux. Le Pen développe la même idée d’une autre façon : elle veut verser directement à l’entreprise qui forme unE jeune la moitié de ce que coûte cette formation dans le système universitaire (environ 6 000 euros pour unE lycéenE, 8 500 euros pour unE étudiantE). Hidalgo, de son côté, veut généraliser l’alternance dans le supérieur, à l’université notamment, c’est son clin d’œil à Macron. Quant à Mélenchon, en ex-ministre de l’Enseignement professionnel, il dit vouloir favoriser la voie scolaire contre l’apprentissage. Jouer une mouture de la formation professionnelle contre l’autre dans un système scolaire taillée de toute façon sur mesure pour les patrons, il fallait y penser. Qu’ils et elles soient en lycée pro ou en apprentissage, en BTS, en IUT ou en licence pro, touTEs les jeunes qui travaillent dans le cadre de leur formation doivent, comme touTEs les autres travailleurEs, être payés au minimum 1 800 euros pour un temps plein !