Publié le Samedi 20 novembre 2021 à 20h00.

Violences transphobes : entre chiens de garde et révolution

D’année en année, les violences transphobes ne s’arrêtent pas. Que ce soit sur les plateaux télé, à l’Assemblée nationale ou dans la rue, les personnes trans peuvent à tout moment être ciblées. Objets de controverses, les trans ne sont pas un sujet dans la lutte contre les violences sexistes qui les oublient ou les rejettent à dessein, et encore moins dans les luttes anticapitalistes, alors qu’iels y ont pourtant toute leur place.

Trop souvent, les personnes trans sont représentées comme un troisième sexe. Une bête à part, hors du monde social. Un Autre qui ferait exception dans les rapports de genre. Or cette marginalisation ne fait pas des trans un groupe homogène, les parcours de transition sont pluriels et les trans ne sont pas exemptéEs du sexisme et des autres oppressions. La transidentité, comme passage d’un genre à un autre, est inévitablement réprimée et marginalisée dans les rapports sociaux de genre. Cette mobilité sociale démontre que le genre n’est pas un destin. N’en déplaise aux réactionnaires, défenseurs du naturalisme et de l’essentialisme propres à l’ordre moral.

Papa l’État, Papa le Médecin, je veux changer de sexe

Nombreuses sont les violences qui ramènent les trans dans les rapports de genre. En France, plusieurs institutions se font les chiens de garde de la fixité des positions sociales. Depuis des années, elles tentent de maintenir les hommes et les femmes dans certains espaces. Imaginez quand elles découvrent que certainEs changent de sexe ! L’État et le droit comptent bien garder le contrôle du corps des dominéEs. Pour une demande de changement de sexe à l’état civil, les personnes trans sont examinées par un tribunal judiciaire. Les trans sont encore marginaliséEs par le droit. Dernièrement, l’État a remis une couche en les excluant de la loi sur la PMA.

De même avec le corps médical. Le droit à la transition n’est ni libre ni gratuit. En théorie, les personnes trans peuvent avoir accès à des produits hormonaux et des chirurgies gratuitement. En pratique, nombre de professionnels de santé vont juger les trans sur leur aptitude à devenir de « vraies femmes » ou de « vrais hommes », c’est-à-dire une femme qui porte des jupes et rêve de préparer le dîner à son futur mari ou un homme viril. De même pour l’accès aux chirurgies, les parcours publics sont saturés, les listes d’attente s’étendent sur des années et les opérations sont repoussées car jugées « non ­nécessaires ». De fait, de nombreuses personnes sont contraintes de passer par le privé. Si elles ont de l’argent, les opérations peuvent se faire plus vite mais la précarité peut les engager vers des soins de mauvaise qualité.

Ces mesures ne font que rallonger la durée des parcours de transition, les exposant à plus de vulnérabilité au quotidien, notamment à travers le harcèlement de rue, les discriminations à l’embauche et dans l’accès au logement, l’isolement social, l’exclusion familiale et la précarité.

Cette marginalisation place les personnes trans au cœur de l’exploitation économique. Ce groupe social reste une main-d’œuvre sous-qualifiée (pour celles qui transitionnent avant d’être diplômées) et discriminée sur le marché de l’emploi, voire reléguée au sous-prolétariat, que ces personnes soient victimes du système prostitutionnel ou se revendiquent comme travailleuses du sexe.

Changer de sexe et de système !

De plus en plus d’organisations révolutionnaires et féministes commencent à se saisir des problématiques trans. Cependant, c’est souvent fait à travers une même idée reçue : les trans seraient discriminéEs à cause de leur identité. Or il y a une réelle nécessité de nos organisations à politiser la question et à parler des rapports d’oppression. Car ce n’est pas l’identité qui lie un groupe social, c’est la solidarité et la reconnaissance de vécus communs.

Ces organisations doivent prendre part aux dynamiques de cette population. Car à la moindre baisse de vigilance politique, le droit à disposer de son propre corps peut reculer. Lors des débats sur l’interdiction des thérapies de conversion, plusieurs députés conservateurs ont voulu exclure les trans, comme si les trans étaient encore une exception à guérir. Cette lutte est indissociable de la lutte contre le sexisme, le capitalisme et le fascisme. Il existe une voie révolutionnaire pour l’­émancipation des trans.