Le transfèrement des 7 dirigeantEs de la CCAT, parmi lesquels le président du FLNKS Christian Tein, a été largement documenté parmi les réseaux de soutien à la lutte du peuple kanak.
Déportation moderne !
Dans le même temps, beaucoup plus discrètement, plusieurs dizaines de détenus « ordinaires » ont été déplacés de la prison de Nouméa, Camp-Est, vers des établissements pénitentiaires de l’hexagone, au travers de procédures opaques, souvent dans la précipitation, sans que soient prévenues leurs familles ni même parfois leurs avocatEs ! À certains, l’on a fait signer un papier la veille de leur départ, et ils se sont trouvés menottés durant 24 h d’un très long trajet vers les prisons françaises !
La prison néo-calédonienne au bord de l’implosion
La surpopulation carcérale sévit partout sur le territoire national, y compris au sein des confettis de l’empire colonial... mais en pire ! Ainsi, la prison de Nouméa, héritière de l’ancien bagne, est-elle en permanence au bord de la catastrophe. La surpopulation y est dramatique : « les taux d’occupation s’établissaient en décembre (2024) à 157,1 % au quartier maison d’arrêt (QMA) et 148,5 % au quartier centre de détention (QCD) — soit respectivement 308 prisonniers pour 196 places opérationnelles et 288 pour 194 places, et 173 matelas au sol »1.
Les conditions y sont reconnues indignes, par l’OIP (Observatoire international des prisons) mais aussi par Dupont-Moretti, et Camp-Est est « tristement connu pour être le seul à héberger, depuis 2013, une partie de sa population pénale dans des containers maritimes, annexés aux bâtiments d’un ancien bagne ouvert en 1864 »2.
En juillet 2013, des mutineries ont d’ailleurs éclaté pour protester contre cette situation, des cellules ont été incendiées. Cela a contribué à affaiblir Camp-Est. Les événements politiques du printemps 2024 ont accentué la crise, provoquant à la fois un afflux de prisonniers et une sorte de panique de la part des autorités qui ont craint la contagion politique.
Un problème structurel de l’État colonial, raciste et répressif
En Kanaky se combinent les ingrédients classiques de la politique pénale de la France — condamnations plus nombreuses, peines plus longues, surenchère sécuritaire — et des éléments spécifiques aux territoires ultramarins. Ce sont les pauvres que l’on condamne et que l’on enferme, mais ici on le fait 2,5 fois plus que dans l’hexagone, du fait d’une sévérité plus grande.
Ce sont les personnes racisées qui sont le plus enfermées, mais ici c’est spectaculaire : alors qu’ils représentent 41 % de la population totale, les Kanak forment 90 % des détenus ! Dans le même temps, « une seule magistrate d’origine kanak exerce — à titre temporaire — en Nouvelle-Calédonie. Le barreau de Nouméa, quant à lui, ne compte que deux avocats kanak »3. L’ordre colonial règne en Kanaky, pas la justice !
Anna Ralebolle