Une des forces stratégiques du FN et à la fois une de ses faiblesses, constitue son discours prétendument « social ».
Cette composante de son profil politico-idéologique peut constituer un atout dans certaines circonstances. C’est le cas, soit quand la droite bourgeoise et conservatrice accepte la présence du FN à ses côtés (tout en lui déléguant ce champ sémantique), soit quand la droite classique est suffisamment affaiblie pour que le FN puisse prétendre à être « la première force de droite ».
Démagogie électorale
À titre d’exemple, pour le premier cas de figure : quand le parti d’extrême droite avait lancé au printemps 1996 des listes pour les élections aux représentantEs des locataires dans les offices HLM, cette démarche avait été ouvertement louée par le Figaro. Ce journal, jouant alors clairement le rôle de Pravda de la droite (classique), expliqua ainsi à ses lecteurs et lectrices début juin 1996 que le FN était capable d’investir des lieux et des couches sociales que la droite libérale ne pouvait pas atteindre. C’était bien l’expression du point de vue d’une certaine droite.
Dans d’autres circonstances, c’était le recul de la droite libérale qui permettait au FN de se présenter comme le représentant de la « vraie » droite, incarnant à la fois ses composantes « nationale » mais aussi « populaire ». Or, aujourd’hui, la remontée de l’UMP – très visible aux dernières élections départementales – lui cause un problème stratégique. Pour réellement prétendre à des positions de pouvoir institutionnelles, le FN doit pouvoir être capable de former des majorités. Et sans l’électorat de droite, cela semble difficile, voire impossible, sauf situation exceptionnelle.
Or, quand l’UMP se situe devant l’extrême droite, cela met le FN devant un dilemme sérieux. Soit il continue de miser avant tout sur la démagogie sociale, mais il se heurte alors nécessairement à une droite qui continue à s’affirmer libérale. Soit il met de l’eau dans le vin de son discours se voulant anti-libéral, mais il abandonne alors des pans entiers de sa stratégie. En attendant, Sarkozy l’attaque pour avoir soi-disant « un programme économique similaire à celui de Jean-Luc Mélenchon, de l’extrême gauche »...
Les ambitions de pouvoir
La ligne se voulant « sociale » est aujourd’hui mise en cause à l’intérieur du parti. Jean-Marie Le Pen lui-même a publiquement considéré, dans son interview à Rivarol (9 avril), que la direction du FN était allée trop loin dans ses emprunts discursifs à la gauche. Ainsi, il a pris exemple sur le programme en matière de retraites.
Jusqu’en 2010, le FN se prononçait clairement pour une augmentation de l’âge du départ à la retraite (à 65 ans), plus l’introduction d’une logique de capitalisation au lieu du système de répartition. Or, pour faire du mimétisme vis-à-vis du mouvement social sur les retraites de 2010, Marine Le Pen a alors rapidement viré de bord. Soudainement elle a affiché l’objectif de garder la retraite à 60 ans. Bel exemple de démagogie, fondée non pas sur la réflexion à l’intérieur du parti, mais sur la recherche de parts de marché électoraux… Sauf qu’aujourd’hui, Jean-Marie Le Pen, mais aussi la députée Marion Maréchal-Le Pen remettent en cause cette stratégie. Eux souhaitent prendre en compte davantage les intérêts des petits patrons…
Le vernis « social » a aussi craqué au cours de la campagne pour les élections départementales. Dans de nombreux endroits, le FN a ainsi prioritairement fait campagne contre les dépenses sociales des départements sous l’angle de l’« abus » et de la « fraude ». La chasse à la « fraude au RSA » constituait aussi un point central de la « charte » du FN, proposée à d’éventuels alliés dans les départementales.
Bertold du Ryon