Cela fait désormais plus d’un an que la crise liée à la pandémie de Covid-19 s’étend aux quatre coins de la planète. Un an de gestion catastrophique par les classes dominantes, dans l’incapacité de proposer, et cela est particulièrement marqué en France, un horizon de « sortie de crise ».
La crise du coronavirus a joué un rôle de révélateur : des conséquences dramatiques de l’austérité sur les systèmes de santé ; des catastrophes que peut générer le développement sans limite de l’agro-business, pour lequel le profit prime tout, y compris la vie, la nôtre et celle de la planète ; des dangers inhérents à l’économie capitaliste, contradictoire dans son essence même avec la planification de la production et son orientation vers les besoins de touTEs, pas les profits de quelques-uns ; de l’irresponsabilité de nos gouvernants qui, après avoir détruit l’hôpital public, ont pris, autoritairement, des mesures contradictoires et inefficaces, obsédés qu’ils sont par la sauvegarde du système économique, au mépris de la santé du plus grand nombre.
Réorganisation des relations sociales
Si Macron et ses semblables se sont illustrés par une gestion calamiteuse de la crise, ce n’est pas – seulement – par incompétence, mais aussi en raison de ce qu’est leur vision du monde, de l’économie, des rapports sociaux, de la politique. Dans l’imaginaire étroit de ces adeptes béats de l’économie de marché, il ne faut en effet prendre aucune décision qui pourrait un tant soit peu remettre en cause durablement la logique capitaliste. On préférera ainsi dépenser des dizaines de milliards d’euros d’argent public pour maintenir à flot des grands groupes plutôt que de les faire passer sous contrôle public ; on refusera de plafonner réellement le prix des masques – sans même parler de les rendre gratuits – en avançant l’argument selon lequel « il ne faut pas freiner l’innovation » ; on promettra des primes plutôt que d’augmenter les salaires, on fera appel au bénévolat plutôt que d’embaucher massivement dans les services publics, en premier lieu dans les hôpitaux.
Pour les classes dominantes, loin d’être l’occasion d’une improbable remise en question, la crise du Covid est au contraire une opportunité pour pousser à une réorganisation des relations sociales à laquelle aucun domaine de la vie ne devrait échapper, à la condition que les principes fondamentaux du capitalisme soient respectés et que le domaine du marché soit en extension. Nous devons prendre au sérieux la bourgeoisie et ne pas considérer que sa gestion chaotique, voire catastrophique, de la crise, serait liée à un déficit chronique de vision ou de stratégie. Elle est au contraire l’expression d’une vision du monde, typiquement capitaliste mais en perpétuelle actualisation, et la situation exceptionnelle créée par la pandémie est l’occasion de procéder à de brutales contre-réformes tout en essayant de dépasser, à défaut de la résoudre, la crise d’hégémonie qui mine les classes dominantes, quitte à renforcer encore un peu plus les dispositifs autoritaires d’exercice du pouvoir.
Des réponses à construire par en bas
C’est à cette réorganisation d’ampleur, promettant toujours davantage d’oppression et d’exploitation des êtres humains et de la nature et, partant, toujours plus de crises aux conséquences sociales et écologiques catastrophiques, qu’il s’agit de s’opposer. Ce qui commence par combattre, ici et maintenant, les choix catastrophiques des gouvernements capitalistes, en leur opposant des politiques au service de la majorité de la population, appuyées sur la mobilisation et l’auto-organisation de cette dernière. Il s’agit entre autres de refuser la fausse alternative entre la santé et les emplois, qui repose sur le double postulat de la nécessaire croissance et de la toute-puissance du patron dans son entreprise. Il s’agit aussi de rejeter une seconde fausse alternative, entre les libertés publiques et la lutte effective contre la pandémie, fondée sur l’idée selon laquelle le combat contre le développement du Covid passerait nécessairement par des mesures contraignantes, imposées d’en haut.
Il s’agit de remettre au cœur de la discussion et des mobilisations toutes les questions – légitimes – qui se sont posées avec acuité lors des confinements du printemps : quelles sont les productions réellement utiles ? Quels sont les domaines desquels le privé doit être exproprié pour en finir avec les logiques de rentabilité ? Comment organiser le travail dans les secteurs indispensables, en écoutant en premier lieu les salariéEs, afin d’éviter les contaminations ? Comment partager davantage le travail, en réduisant massivement sa durée hebdomadaire sans perte de salaire, pour que cette réorganisation globale ne se fasse pas au détriment des salariéEs ? Comment financer tout cela en prenant l’argent là où il est, plutôt que de dilapider des dizaines, voire des centaines de milliards d’argent public, pour des « plans de relance » dont les recettes n’ont jamais fonctionné ? Qu’est-ce qu’une véritable politique sanitaire, faisant primer la vie et non les profits, et associant la population aux décisions qui la concernent, faute de quoi elles ne seront ni acceptées ni appliquées ?