Publié le Mercredi 11 juin 2025 à 15h00.

Retraites : Le COR en mission de sauvetage du soldat Bayrou

Le 17 juin a lieu la dernière réunion du « conclave » de Bayrou sur les retraites. La probabilité d’un accord entre les « partenaires sociaux » qui y participent encore1 — sans FO, la CGT et de l’U2P (indépendants) — devient de plus en plus faible.

Le fiasco attendu obligerait Bayrou à assumer sans fard le maintien (voire l’aggravation) de la contre-­réforme Macron, mais le gouvernement ne dispose pas d’une majorité parlementaire pour la soutenir, comme l’a rappelé le vote (purement symbolique) de l’Assemblée nationale le 5 juin.

Justifier le dogme néolibéral

Après la Cour des comptes2, le COR (Conseil d’orientation des retraites) est envoyé en mission pour sauver le soldat Bayrou. Son rapport tente d’accréditer l’idée qu’il n’y aurait pas d’alternative à un nouveau recul de l’âge légal de départ à la retraite qu’« il serait nécessaire de porter… à 64,3 ans en 2030, 65,9 ans en 2045 et 66,5 ans en 2070 » pour garantir l’équilibre du système.

L’argumentation du COR repose sur des prévisions à 45 ans (incluant des générations qui ne sont pas encore nées !), alors que cet organisme est incapable d’envisager des perspectives fiables d’une année sur l’autre ! Son rapport 2024 prévoyait un déficit de 13,5 milliards d’euros au cours de cette année pour un déficit constaté de… 1,7 milliard d’euros. À l’horizon 2030, le COR table sur un déficit de 0,2 % du PIB, annoncé à 0,4 % dans le rapport précédent.

C’est sur ces chiffres discutables que le COR prétend s’appuyer pour rejeter toute autre hypothèse d’équilibre du système de retraites par répartition que le recul de l’âge légal de départ. Augmenter le nombre de personnes en activité serait la seule solution « expansive3». Toutes les autres (dont l’augmentation des cotisations) seraient « récessives ». Ce raisonnement feint d’oublier que 7,5 % de la ­population en âge de travailler est au chômage et que le recul de l’âge de la retraite a pour effet de transformer des retraités… en chômeurs4.

Le MEDEF, pour qui toute augmentation des salaires est une hausse insupportable du « coût du travail » trouvera, lui, dans ce rapport la justification de son obstruction.

Tuer la répartition pour introduire la capitalisation

ContraintEs par la fatigue, la dégradation de leur état de santé, des salariéEs de plus en plus nombreux n’attendront pas l’âge légal de la retraite. Ils subiront en conséquence une « décote » qui réduira leur pension, en particulier les salariéEs exerçant les métiers les plus pénibles, dans l’incapacité de travailler de façon précoce. 

Les salariéEs qui le pourront se verront proposer un « complément » par capitalisation pour compléter (si la Bourse leur est favorable) leur retraite par répartition. Quant aux autres…

Les seuls grands gagnants de l’opération seront les patrons qui financeront de moins en moins le système par répartition, tandis que les « fonds de pension » ouvriront de nouveaux espaces au capital.

Pas d’autre voie que la remobilisation

La très faible participation à la journée d’action initiée par la CGT le 5 juin montre l’ampleur de la tâche pour s’opposer à l’offensive du gouvernement sur les retraites, élément du plan d’austérité de 40 milliards d’euros d’ores et déjà annoncé. 

Il est nécessaire de tracer la perspective d’une mobilisation unitaire quand les mesures vont tomber à l’automne avec le vote des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale.

Les leçons de 2024 doivent être tirées : les batailles parlementaires ne permettront pas, seules, de mettre en échec l’austérité et les reculs sociaux. Le rapport de forces social, dans les grèves et les manifestations pourra faire bouger les choses. 

L’état d’esprit désabusé et attentiste qui prévaut aujourd’hui dans notre camp social peut brusquement changer face à la brutalité des attaques. Il faut dès aujourd’hui travailler à la remobilisation.

J.C. Delavigne

 

  • 1. MEDEF, CPME, CFDT, CFE-CGC, CFTC.
  • 2. Voir l’Anticapitaliste n° 757 du 5 juin : https://lanticapitaliste…
  • 3. Favorisant l’expansion économique et la création de richesses
  • 4. Selon la Dares, après l’entrée en vigueur de la réforme au 1er septembre 2023, il y avait 15 000 chômeurs de 62 ans de plus qu’au printemps 2023, soit une hausse de près de 47 %.