Juré, la Commission antifasciste du NPA n’a pas eu besoin d’une Marine Le Pen – qui, le 1er mai dernier, encore confiante dans les élections régionales, annonçait sentencieusement placer sa campagne présidentielle sous le triptyque de « la protection, la projection et la transmission » – pour concevoir, avec l’équipe de notre université d’été, un cycle consacré aux extrêmes droites. Mais de « transmission », il fut question : transmettre notre compréhension de ces courants politiques et transmettre une pratique militante spécifique. « Protection », la question se pose aussi, face aux diverses menaces, plus ou moins violentes et à plus ou moins court terme. « Projection », le sujet mérite d’être abordé, afin d’anticiper l’après élection présidentielle de 2022.
Le cycle s’est ouvert sous la pergola, avec une forte affluence, par un état des lieux des forces d’extrême droite : groupuscules et partis, courants d’idées, de quel contexte profite cette nébuleuse ? Si certaines organisations, concurrentes du RN, sont en franche perte de vitesse, d’autres, comme les maurrassiens de l’Action française ou les structures évoluant entre identitaire et catholique traditionnel, présentent un certain dynamisme, dans l’après-« Manif pour tous ». Malgré la déconnection entre son poids électoral et ses capacités militantes, le RN reste l’organisation polarisante.
En cette période de crises, les incertitudes sur l’avenir, brouillées par un confusionnisme ambiant, alimentent des formes de critiques favorables au nationalisme ou à « l’identitarisme ». Les camarades de Perpignan nous ont apporté un éclairage concret sur la victoire de Louis Aliot aux dernières municipales, replacée dans la stratégie du RN en vue d’une prise du pouvoir d’État. Aliot cherche à maintenir et souder autour de lui un bloc, où la bourgeoisie locale doit être rassurée, tout en convainquant un électorat populaire. La gestion qui en découle, en évitant de faire trop de vagues, place malgré tout la question sécuritaire au cœur de son action. En off, car l’université d’été est aussi une occasion pour les militantEs et sympathisantEs du NPA de partager des réflexions communes, un atelier a permis d’échanger au sujet de la capacité du RN à gérer les institutions et la réaction de celles-ci à un pouvoir d’extrême droite.
Ordre moral
Associé à la Commission LGBTI, le deuxième temps du cycle s’est consacré à la question de l’ordre moral et au rapport des extrêmes droites au féminisme. Bien que reléguée au second plan par un racisme viscéral centrée ces dernières années sur les musulmanEs, la défense de l’ordre moral et du système hétéropatriarcal reste central dans le programme de l’extrême droite. De nombreux militants de ces courants ont ainsi fait leur premières armes dans le cadre de la Manif pour tous et c’est encore en marge de cette dernière que nous avons eu en janvier la confirmation d’un phénomène nouveau : la capacité de militants d’extrême droite, en dehors de tout cadre partisan, à se coordonner au niveau national pour aller « casser du pédé et du gauchiste ». Cette défense de l’ordre moral s’inscrit dans la continuité de l’histoire de l’extrême droite et sert la double mission d’écraser, idéologiquement et physiquement, les femmes et les LGBT et donc de fait une partie de notre camp social, mais aussi d’entretenir l’idée d’une grandeur passée quand les hommes étaient des vrais hommes : le véritable clivage se jouerait ici et non entre les classes sociales qui devraient, elles, avoir des relations apaisées.
Appareil répressif
Avec nos invités, Philippe Lamy, sociologue spécialiste de la Nouvelle Droite, et Claude Serfati, économiste spécialiste de l’industrie de l’armement, le troisième jour s’est focalisé sur l’appareil répressif et principalement l’armée. Leurs interventions ont permis de comprendre les ressorts de fonctionnement de cette communauté et de réfléchir à la militarisation de la « sécurité nationale ». Le temps nous a manqué pour aborder en détail la question de la police... et il y aurait eu à dire ! Néanmoins les dynamiques politiques sont communes dans ces deux corps et leur spécificité (répressive, assurant le maintien de la domination sociale et raciale) entre en résonance particulière avec les phénomènes sociaux que nous subissons depuis plusieurs années (attentats et leurs conséquences, perte de capacité du pouvoir à produire du consentement à sa domination). L’évolution politique de ces corps est une question clef dans le processus de fascisation que nous voyons se dérouler sous nos yeux.
Quel antifascisme ?
Le dernier moment du cycle, avec Ludivine Bantigny, nous a également permis de revenir sur ce processus de fascisation. C’est-à-dire sur les éléments de continuité et de discontinuité que la situation actuelle entretient avec le développement du fascisme. Outre ce débat théorique clef pour comprendre comment la situation pourrait évoluer, nous avons également tenté d’influer dessus en posant la difficile question de « quel antifascisme ? » Poser cette question est avant tout poser la question de l’unification de la classe en vue de la prise du pouvoir. Notre antifascisme ne peut donc être séparé de la lutte sociale, de la lutte contre les oppressions spécifiques, et implique une politique de front unique actualisée au vu de l’affaiblissement du mouvement ouvrier traditionnel. Elle doit en outre être articulée avec une démarche transitoire permettant de faire passer des caps à la conscience de classe. Mais le temps où le mouvement ouvrier et l’extrême droite évoluait sans interagir est maintenant révolu, et l’ensemble de notre activité implique désormais un travail spécifique contre l’extrême droite. Un travail politique, un travail de mobilisation mais également un travail d’auto-défense.
C’est une telle politique que nous entendons mettre en œuvre dans les mois à venir, dès le 18 septembre en participant à ce que le mouvement ouvrier reprenne la main sur les conspirationnistes et autres militants d’extrême droite dans la contestation du pass sanitaire. Dans les mois à venir, en organisant de façon unitaire partout en France des rencontres sociales antifascistes pour contribuer à donner des outils d’analyse et tourner notre camp social vers l’action. En faisant de la lutte contre l’extrême droite et l’autoritarisme macronien un axe central de la prochaine campagne présidentielle dans les urnes avec la candidature de Philippe Poutou, mais aussi dans la rue, en contestant les interventions de l’extrême droite.