Avant la crise, le logement était un des principaux sujets d’inquiétude de la population, juste après l’emploi. Avant la crise, on construisait pourtant à tour de bras, avec plus de 500 000 mises en chantier en France en 2006. Le gouvernement multipliait les aides à l’accès à la propriété et se félicitait de la bonne santé de la construction, fidèle à l’adage : quand le bâtiment va, tout va ! Les gouvernants « oubliaient » alors que malgré cette bonne santé de la construction, il y avait trois millions de personnes très mal logées (sans logement, à l’hôtel, en camping à l’année, etc.) et cinq millions de personnes mal logées ou en difficulté (en surnombre, hébergées par de la famille, en impayés de loyer, etc.). Depuis, il y a eu la crise des « subprimes » et le nombre de mal-logés s’est fortement aggravé, passant à un total de dix millions. Ce résultat signe un double échec. Échec de la politique de désengagement de l’État qui a construit très peu de logements sociaux – ceux qui seraient accessibles à plus de 70 % des ménages français – au profit de la construction privée soutenue par des multitudes d’aides fiscales et censée permettre à 100 % des ménages de devenir propriétaires, alors que cette politique n’est viable que pour moins de 20 % des ménages. Échec aussi, car cette politique a pendant des années alimenté la spéculation, l’envolée des loyers et des prix du logement à l’achat. Deux chiffres encore : 56 % de Français pensent qu’ils pourraient se retrouver sans domicile ; 1,3 million de demandeurs de logements sociaux en attente. TOUS PROPRIÉTAIRES ?La politique d’accès à la propriété pour tous, calquée sur le modèle des États-Unis, de l’Angleterre et de l’Espagne, est fondée sur le crédit, celui-là même qui est à l’origine de la crise financière. Face à la crise du logement, le gouvernement a proposé, en décembre 2008, un plan pourfavoriser encore et toujours l’accès à la propriété (doublement du prêt à taux zéro, 650 millions d’euros pour l’accession à la propriété, une aide supplémentaire et exceptionnelle de l’État à travers le Pass-Foncier pour 30 000 ménages, la maison à 15 euros par jour, etc.). On a pu mesurer les effets catastrophiques de cette politique en Espagne et aux États-Unis. En Espagne, des centaines de milliers de logements neufs ne sont pas achevés ou restent inoccupés car personne ne peut les acheter. Les jeunes ne peuvent se loger parce qu’il n’y a pas de logements construits pour la location. Urbanisation anarchique, menée pour la spéculation et le tourisme, crise financière et changement de gouvernement : depuis 2007, il existe des plans de soutien pour le locatif, mais la pente est difficile à remonter sans mesures radicales. Aux États-Unis, alors que la pratique des subprimes a mis des milliers de gens à la rue, la même politique recommence à l’heure où certains proclament bien imprudemment que la crise financière est finie. « Tous propriétaires » est une réponse hypocrite de la droite au problème posé par des loyers trop chers, une diminution des garanties de maintien dans le logement (la loi Boutin 2008 réduit à un an, au lieu de trois, le délai pendant lequel le juge peut suspendre une décision d’expulsion) et le manque de constructions sociales accessibles. Et quand les emplois disparaissent là où on a cru pouvoir faire son nid, on parle de mobilité mais il n’y a pas d’acheteur pour la maison : plus de boulot, plus d’économies, et le crédit qui reste à payer… PAS DE CRISE DU LOGEMENT, PAS DE MINISTÈRE ! Alors que plus de 15 % de la population souffre d’un problème de logement, nécessitant une attention particulière en termes de réponse et de moyens, le ministère du Logement disparaît et ses fonctions sont intégrées dans le ministère de l’Écologie. Depuis le dernier remaniement ministériel, il n’y a plus désormais qu’un secrétaire d’État en charge du Logement et de l’Urbanisme, Benoist Apparu, qui jusqu’ici était plutôt spécialisé dans la casse de l’Éducation nationale. Pourtant, les nombreux dossiers spécifiques justifiaient l’existence d’un ministère à part entière : mise en place du droit au logement opposable (Dalo), rattrapage du retard de construction de logements sociaux, réaménagement du territoire. L’objectif de cette décision est la réduction de personnel, comme l’indique le projet de loi de finances 2010. Le personnel du ministère de l’Écologie se retrouve avec du travail en plus et très peu de moyens supplémentaires. La logique de fusion des ministères et de leurs compétences pour réduire les dépenses de personnel prime sur une réelle politique du logement. Et cette fusion ne fera pas plus de logements sociaux écologiques qui permettraient moins de dépenses de chauffage pour les locataires.LES « GRANDS PROJETS » DU GOUVERNEMENTDepuis juin 2009, le travail du secrétaire au Logement n’a consisté qu’à publier une nouvelle brochure sur le droit au logement opposable et de nouveaux formulaires de demande, plus faciles à remplir. Ces modifications avaient été annoncées depuis janvier 2009 par le ministère du Logement Boutin. Mais, pour 2010, c’est promis, le secrétaire d’État a de « grands » projets :• Favoriser l’accession à la propriété. Le prêt à taux zéro, qui finance une première accession à la propriété des ménages sous conditions de ressources, est prorogé pendant trois ans. • Lutter contre le logement indigne et réhabiliter les quartiers anciensdégradés. Cela se traduit souvent par plus de démolitions de logements sociaux que de reconstruction et surtout des logements « sociaux » neufs dont les loyers sont toujours plus chers que ceux des logements détruits. • Assurer l’effectivité du droit au logement. Pour permettre à chacun de pouvoir se loger, il faudrait rattraper un retard de construction de 900 000 logements sociaux. On n’en prend pas le chemin quand on voit qu’une des mesures prioritaires est la réforme du numéro unique de demande de logement et que l’essentiel de l’effort est porté sur l’accès à la propriété. DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE : UNE LOI SANS MOYENS Depuis le 1er décembre 2007, seulement 100 000 dossiers de droit au logement opposable (Dalo) ont été déposés dans les commissions de médiation départementales alors que le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à 600 000. Suite à ces dépôts, 11 000 ménages seulement ont été relogés (soit 11 %) et plus de 1 000 ont été hébergés. La répartition géographique des demandes est très inégale : les deux tiers sont faites en Île-de-France. Le troisième rapport du Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable refait les mêmes constats que les deux premiers : manque d’information des citoyens, manque de formation des travailleurs sociaux censés aider les demandeurs, disparités dans l’interprétation des textes par les commissions de médiation, délivrance tardive des accusés de réception, non-respect des délais réglementaires de décision de trois à six mois selon les agglomérations. Mais le plus grave reste le faible taux de relogements par rapport au nombre de demandes. Le problème de fond est que la loi est inapplicable à cause du déficit chronique de constructions de logements sociaux.UN VRAI TOIT N’EST NI UN FOYER NI UN HÔTEL Pour pallier le manque de logements et le nombre croissant de personnes à la rue, l’État met en place quasiment chaque année de nouvelles mesures et structures d’urgence. Toutes ces mesures de court terme ne règlent pas le problème du mal-logement et sont d’un coût exorbitant. Ainsi, l’hébergement dans un hôtel bas de gamme d’un couple avec deux enfants revient au minimum à 35 000 euros par an. La ville de Paris a dépensé en 2006 plus de 12 millions d’euros pour financer des prises en charge partielles à l’hôtel sur les fonds de l’aide sociale à l’enfance. Pourtant des solutions existent à court et moyen terme. Il faut d’abord arrêter les expulsions et tout faire pour aider au maintien dans le logement. Cela peut coûter jusqu’à 1 000 euros par mois mais une procédure d’expulsion, suivie d’une prise en charge, coûte jusqu’à 4 000 euros par mois. D’ailleurs la mesure Solibail, prise en 2008 par le ministère du Logement, va dans ce sens : plutôt que de louer des chambres d’hôtel, l’État loue des logements au privé avec des garanties intéressantes pour le propriétaire. MESURES D’URGENCE…URGENTES- Construire 150 000 à 200 000 logements sociaux par an, de type prêt locatif aidé d’intégration (Plai) et prêt locatif à usage social (Plus), accessibles à plus de 70 % des ménages résidant en France. - Arrêter les 300 000 démolitions prévues par l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru). Au nom d’une prétendue mixité sociale, on supprime des logements en bon état et bien situés, des 4 et 5 pièces, remplacés, quand ils le sont, par des logements plus petits et plus chers. Ces destructions et reconstructions coûtent 190 000 euros par logement alors qu’une réhabilitation ne coûte que 26 000 euros. - Lutter réellement contre les logements et immeubles de bureaux inoccupés depuis deux ans, avec droit de réquisition.- Arrêter les ventes de logements HLM et renationaliser les sociétés HLM.- Bloquer les loyers, pour aller vers des loyers ne devant pas dépasser 20 % du revenu. - Augmenter le budget, renforcer le rôle de l’État et remettre en cause des décentralisations passées et à venir. Contrôle par la population des besoins, des constructions, des attributions.Le logement doit être, sur le modèle de l’éducation, un droit garanti égal pour tous.