Le 23 septembre 2021, conjointement avec le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) et le média d’investigation Disclose, nous avons saisi le Tribunal administratif de Paris. L’objectif ? Contraindre l’administration des douanes à communiquer les documents sur l’exportation de matériels de guerre, de maintenance et de formation de la France. Plus particulièrement, nous cherchons à faire la lumière sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU).
Faire face au silence de l’administration
C’est la première fois en France que la juridiction administrative est saisie pour contester le refus de communication de documents douaniers relatifs à des ventes d’armes en lien avec le conflit au Yémen. Compte tenu du risque considérable que des armes françaises soient utilisées pour commettre de graves violations du droit international humanitaire contre les populations civiles au Yémen, le refus de communiquer ces informations douanières constitue une atteinte disproportionnée au droit fondamental du public de recevoir les informations nécessaires à l’exercice d’un débat public légitime et démocratique.
Nos organisations font suite au silence écrasant opposé par l’administration des douanes et la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) à leurs sollicitations d’informations détenues par les douanes sur les quantités, dates et destinations finales de certains matériels de guerre « made in France », dont il est établi qu’ils sont utilisés dans le conflit au Yémen.
Parmi ces matériels, on retrouve : des avions Mirage 2000-9 (produits par l’industriel Dassault) ; des missiles Storm Shadow (produits par MBDA France et Angleterre) ; des pods Damocles et Talios (produits par la société Thales) ; des canons Caesar (produits par l’industriel Nexter).
8 milliards d’euros de matériels de guerre en 5 ans
Malgré les preuves accablantes des attaques commises par la Coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite et les EAU au Yémen depuis 2015 contre les populations et infrastructures civiles, la France continue de livrer des matériels de guerre et à fournir maintenance et formation à ces pays. Le Traité sur le commerce des armes – de même que le droit européen et français – interdisent strictement ces exportations dès lors qu’il existe un risque qu’elles facilitent la commission de crimes de guerre. Pourtant, la France a livré pour plus de 8 milliards d’euros de matériels de guerre sur la période 2015-2020 à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.
Ainsi, c’est grâce au travail d’investigation de Disclose en 2019 que l’opinion publique et la représentation nationale ont découvert l’utilisation de plusieurs armes françaises dans le conflit au Yémen. Ces révélations ont mis en lumière les mensonges d’État du gouvernement sur l’utilisation d’armes françaises dans ce conflit. C’est dans ce contexte que nous avons lancé la campagne « Silence, on arme », soutenue par des dizaines de milliers de citoyens, demandant au ministère des Armées beaucoup plus de transparence sur ses exportations de matériel militaire. […]
Le secret, quel qu’il soit, ne peut plus servir d’excuse inconditionnelle à l’État pour s’opposer à la communication d’informations indispensables à un débat public libre et informé sur les ventes d’armes de la France.
Voir en ligne : https://www.amnesty.fr/controle-des-armes/actualites/opacite-sur-les-ventes-d-armes-francaises