Fin septembre, plusieurs événements culturels, organisés dans des bibliothèques lyonnaises et concernant les sans-papiers, ont été remis en cause sous la pression d’un groupe d’extrême droite.
Le 23 septembre une animation était remise en cause par décision de la direction de la Bibliothèque de Lyon. Il s’agit d’une exposition Portraits d’amoureux de la photographe Florence Roller, accompagnée d’une projection réalisée avec les Amoureux au ban public, mouvement de couples mixtes, qui revendique la liberté d’aimer la personne de son choix quelle que soit sa nationalité et de pouvoir mener une vie de famille. Un compromis difficilement acceptable, pour les organisateurs comme pour les intervenants, est finalement finalement proposé par la direction : maintenir la projection mais annuler le débat, initialement prévu.
Le lendemain, dans une autre bibliothèque lyonnaise, devait avoir lieu le vernissage de l’exposition du photographe Bertrand Gaudillère qui a réalisé un reportage pendant plus d’un an et demi pour montrer la réalité du quotidien des sans-papiers et de ceux et celles qui les soutiennent, intitulé Les chiffres ont un visage. Le même jour devait être projeté le film En suspension d’Oldrih Navratil qui dépeint la vie d’une famille venue en France, il y a huit ans, pour fuir le conflit en Serbie. Huit années de démarches administratives pour tenter de régulariser leur situation et avoir le droit de travailler. Ce film raconte les raisons de leur venue en France, la douleur d’un retour impossible dans leur pays d’origine, ainsi que la vie de tous les jours.
Mais la direction décide que le vernissage n’aura pas lieu, ferme la salle d’exposition et annule la projection du film et la table ronde qui devait la suivre avec des représentants de la Cimade, de RESF et des sans-papiers.
Pression de l’extrême droite
Pourquoi ces annulations de dernière minute ? Le lien est vite fait pour les organisateurs et les intervenants entre les plaintes, reçues par la mairie et les bibliothèques, et un communiqué d’un groupe d’extrême droite, les Jeunes Identitaires Lyonnais. Ce texte s’indigne du soutien qu’apporteraient ces événements à des délinquants en situation irrégulière et accuse RESF de provoquer un appel d’air criminel à l’immigration.
Les modes opératoires sont connus, le communiqué se termine par un appel à faire part de son indignation par mail, courrier, fax ou téléphone. Les Identitaires utilisent notamment ce procédé pour tenter de faire annuler des concerts de rap. La plupart du temps, ils échouent.
Mais le groupe semble avoir réussi à se jouer de la mairie et se félicite des décisions prises puisque la manifestation est annulée.
Dès l’annonce de ce qui apparaît très vite comme une censure, la résistance s’organise. Réaction des syndicats qui interpellent la direction, réaction des associations, des intervenants – RESF, Ban public – qui publient un communiqué de presse. L’information circule, la contre-offensive s’organise, pour demander des comptes, pour protester contre la fermeture de l’exposition et exiger le maintien de la soirée.
Grâce à la mobilisation l’exposition est rouverte, le vernissage maintenu, mais la projection et le débat se feront sans les intervenants sans papiers, initialement prévus. La direction et la mairie prennent prétexte du prétendu déséquilibre du débat qui, tel qu’il était organisé, ne respectait pas le devoir de pluralisme et invoquent la nécessaire neutralité des institutions.
Le devoir de neutralité ? Un argument aussi stupide que dangereux. Une bibliothèque, c’est une offre culturelle, une offre de lecture publique, basée sur des choix assumés et défendus par les bibliothécaires.
Demander à un photographe qui réalise pour RESF une exposition d’être neutre est aussi absurde que de reprocher à Marie N’Diaye, qui vient d’obtenir le prix Goncourt, ses condamnations de la politique d’immigration de le France, comme l’a fait le très sarkoziste député, Éric Raoult.
Tout le bruit autour de cette exposition ferait presque oublier la qualité du travail de photographe de Bertrand Gaudillère. Nous publions ici quelques-une de ses photographies.
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