Depuis maintenant 35 ans, l’avortement, en France, est sorti de la clandestinité : en 1975, après une longue lutte des féministes du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), une loi sur l’IVG était arrachée au gouvernement sous Giscard. Pour autant, tout n’est pas gagné, nombre de difficultés perdurent et les raisons de se battre pour ce droit fondamental restent toujours nombreuses.
dans les années qui ont suivi 1968, le Mouvement de libération des femmes multiplie les actions. En avril 1971 est publié le « Manifeste des 343 avortées » dans lequel 343 femmes, célèbres ou anonymes, déclarent avoir avorté. Le gouvernement, qui ne pouvait assumer politiquement de les poursuivre en justice, doit reconnaître que les lois répressives de 1920 et 1923 n’étaient de fait plus applicables. Ce manifeste, puis le procès de Marie-Claire à Bobigny en 1972 obligent les médecins à prendre position. Certains (minoritaires) prennent position pour le droit à l’avortement, défendent que la décision appartient à la femme et pas au médecin, et déclarent pratiquer des avortements. Dans ce contexte, la création en 1973 du MLAC, qui regroupe des féministes, des médecins, le Mouvement français pour le planning familial, des organisations syndicales et politiques… va donner une autre ampleur au mouvement et le transformer en véritable mouvement de masse, qui fait le lien entre pratique (avortements sur place et voyages collectifs à l’étranger) et politique (lien avec les luttes sociales de l’époque).
Pour lutter contre toutes ces transgressions publiques de la loi, le gouvernement va être obligé de promulguer une loi… qui a cependant de nombreuses limites : pas de remboursement par la Sécurité sociale (Simone Veil y est fermement opposée), obligation d’un entretien social préalable, limitation à dix semaines de grossesse, autorisation parentale pour les mineures et condition de séjour pour les étrangères…
Il faut attendre 1982 pour que l’avortement soit remboursé, 1993 pour que les commandos anti-IVG soient punis par la loi, et 2001 pour que la loi Aubry dépénalise l’avortement, supprime l’autorisation parentale pour les mineures et porte le délai légal de dix à douze semaines.
Aujourd’hui les opposants les plus efficaces sont au gouvernement
Le gouvernement démonte le système de santé à coups de réformes, et les femmes font partie des premières victimes. Sous prétexte de faire des économies, le premier service qui ferme dans un hôpital est bien souvent le centre d’interruption volontaire de grossesse (CIVG), quand il existe ! Ce qui, par ailleurs, arrange bien des médecins qui ne sont pas formés ou qui ne sont pas favorables à l’avortement. La santé est aujourd’hui devenue une marchandise et les CIVG ne rapportent rien à l’hôpital, au contraire, ils « coûtent », d’autant que la revalorisation des forfaits IVG dans les établissements de soins est très insuffisante.
Il n’y a donc pas, en France, de libre choix, qu’il s’agisse du lieu ou de la méthode ! Dans les régions rurales, c’est le cas depuis longtemps, mais maintenant les grands centres urbains sont aussi touchés. Dans les Yvelines, le centre d’IVG de Poissy Saint-Germain-en-Laye est menacé alors qu’il assure à lui seul 50 % des avortements du département. À Paris, ce sont trois centres qui doivent être fermés, sans bien sûr que les moyens « récupérés » servent à d’autres centres !
La question n’est pas qu’économique, les oppositions idéologiques continuent à exister, même si, en France, on ne voit plus de commandos anti-IVG qui s’enchaînent devant l’entrée des centres pour empêcher les femmes d’y accéder (ce qui sa passe dans d’autres pays en Europe). Les opposants se placent le plus souvent sur le terrain politique, et formulent des propositions de loi qui, si elles étaient adoptées, remettraient en cause le droit à l’avortement. C’est le cas par exemple pour l’inscription sur le livret de famille d’enfant mort-né, ou pour l’introduction d’une phrase sur les droits de l’enfant à naître, dans la loi de bioéthique, à l’occasion de sa révision…
Ce droit on l’a gagné, ce droit on le gardera !
En France, nous avons le droit à l’avortement mais pas le droit de choisir : les délais, les possibilités et l’idéologie choisissent souvent pour nous. C’est pourtant bien aux femmes, et à elles seules, de choisir d’avoir ou non un enfant. C’est pourquoi toute législation dissuasive, restrictive et répressive doit être combattue. Mais pour que ce droit ne soit pas que formel, encore faut-il que les moyens soient donnés pour qu’il puisse être appliqué et que les femmes aient réellement le droit de choisir !
Aujourd’hui la lutte s’organise, de façon unitaire, pour défendre les centres d’IVG menacés. Le combat doit se développer et s’amplifier, non seulement pour défendre ces centres, mais aussi pour l’ouverture de nouveaux centres de proximité, une revalorisation des forfaits IVG, l’accessibilité à toutes, avec ou sans papiers, le libre droit pour les mineures, le maintien de la gynécologie médicale…
Solidarité internationale
Ce droit arraché en France par la lutte, de nombreuses femmes à travers le monde ne le connaissent pas, soit parce que, dans leur pays, les tarifs pratiqués sont prohibitifs, et sans remboursement, soit parce que l’avortement y est interdit et qu’elles sont donc contraintes à avorter clandestinement ! Et si le dernier rapport du Parlement européen sur l’égalité hommes/femmes insiste sur le fait que « les femmes doivent avoir le contrôle de leurs droits sexuels et reproductif, notamment grâce à un accès aisé à la contraception et à l’avortement », force est de constater que ce n’est pas le cas partout… l’Irlande en est un exemple.
En 2007, preuve a été faite, au Portugal, qu’une lutte unitaire et internationale peut gagner : après de nombreux échecs, une loi autorisant l’avortement (dans un délai de huit semaines de grossesse) a enfin été adoptée.
Solidarité avec les femmes, en Europe et dans le monde, qui se battent pour le droit à l’avortement !